CHAPITRE XL. LES CHUTES OU PROCHAIN SONT UN AVERTISSEMENT POUR NOUS. — LA VIRGINITÉ EST UN DON DE DIEU.
41. Si Dieu permet que dans votre profession même il arrive un si grand nombre de chutes, n'est-ce pas pour que cette vite augmente votre crainte et étouffe votre orgueil, cet orgueil que Dieu hait à tel point que pour lui seul le Très-Haut s'est condamné à tant d'humiliations ? Pour diminuer votre crainte et accroître votre orgueil, jusqu'au point de n'aimer que faiblement Celui qui vous a aimés jusqu'à se livrer lui-même pour vous1, direz-vous qu'il ne vous a été accordé qu'un léger pardon, puisque, depuis votre enfance, vous avez gardé la foi, la pudeur, une pieuse chasteté et une virginité sans tache? Quoi donc ! ne devriez-vous pas aimer avec des ardeurs d'autant plus vives Celui qui, en pardonnant les crimes de ceux qui reviennent à lui, a soutenu votre faiblesse et-vous a empêché de tomber ? Ce pharisien, qui aimait si peu, parce qu'il croyait qu'il n'avait eu besoin que d'un léger pardon2, n'était-il pas victime de cette erreur aveugle, qui, en lui laissant ignorer la justice divine, le portait à ne chercher que la sienne propre et le tenait ainsi en dehors du royaume de Dieu3 ? Mais vous, race choisie, et choisie entre les élus mêmes, chœurs de vierges, appelés à la suite de l'Agneau, vous aussi, la grâce vous a sauvée par la foi, et ce don ne vient pas de vous, mais de Dieu; il n'est pas le fruit de vos oeuvres, pourquoi donc y trouveriez-vous un sujet, d'orgueil? «Nous sommes son ouvrage, créés, en Jésus-Christ, dans les bonnes oeuvres pour lesquelles Dieu nous a préparé le chemin4 ».
L'aimerez-vous donc d'autant moins qu'il vous aura plus comblés de ses dons? Unetelle démence ferait horreur. Puisque le Verbe a dits que celui-là aime moins, à qui il a été moins pardonné, si vous voulez exciter en vous de nouvelles ardeurs, si vous voulez aimer davantage Celui qui vous a rendus libres des sollicitudes et. des soins du mariage, regardez comme vous avant été pardonné tout le mal que, sous l'inspiration divine, vous avez évité. « Que vos yeux soient toujours vers le Seigneur, car il arrachera vos pieds aux embûches5 ». Ou bien : « Si le Seigneur ne garde pas la cité, c'est en vain qu'a veillé celui qui la garde6 ». L'Apôtre parlant de la continence elle-même, s'écrie : « Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi, mais chacun a reçu de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre7 ». Quel est Celui qui distribue ces dons, qui gratifie chacun comme il le veut8 ? N'est-ce pas Dieu qui ne connaît point l'iniquité9? Quant à savoir quel est son dessein en établissant la diversité de ses dons, l'homme ne le peut; il suffit que l'on sache que cette diversité est parfaitement équitable; et qui pourrait en douter? « Qu'avez-vous donc que vous n'ayez reçu[^10] ? » et par l'effet de quelle perversité aimez-vous d'autant moins pue vous avez reçu davantage
- I Cor. IV, 7.