CHAPITRE XX.
LES MEMBRES DE LA CITÉ DE DIEU NE SONT HEUREUX ICI-BAS QU’EN ESPÉRANCE.
Puis donc que le souverain bien de la Cité de Dieu consiste dans la paix, non cette paix que traversent les mortels entre la naissance et la mort, mais celle où ils demeurent, devenus immortels et à l’abri de tout mal, qui peut nier que cette vie future ne soit très-heureuse, et que celle que nous menons ici-bas, quelques biens temporels qui l’accompagnent, ne soit en comparaison très-misérable? Et cependant, quiconque s’y conduit de telle sorte qu’il en rapporte l’usage à celle qu’il aime avec ardeur et qu’il espère avec fermeté, on peut avec raison l’appeler heureux, même dès ce monde, plutôt, il est vrai, parce qu’iL espère l’autre vie que parce qu’il possède celle-ci. La possession de ce qu’il y a de meilleur en cette vie, sans l’espérance de l’autre, est au fond une fausse béatitude et une grande misère. En effet, on n’y jouit pas des vrais biens de l’âme, puisque cette sagesse n’est pas véritable, qui, dans les-choses mêmes qu’elle discerne avec prudence , qu’elle accomplit avec force, qu’elle réprime avec tempérance et qu’elle ordonne avec justice, ne se propose pas la fin suprême où Dieu sera tout en tous par une éternité certaine et par une parfaite paix.