CHAPITRE IV. LA MALÉDICTION DE CAÏN.
Nous lisons dans la Genèse : « Le Seigneur dit à Caïn : Qu'avez-vous fait? La voix du sang de votre frère crie de la terre jusqu'à moi. Vous serez maintenant maudit sur la terre qui a reçu le sang de votre frère lorsque votre main l'a répandu. Il vous faudra cultiver la terre et elle ne vous donnera que des fruits stériles1 ». Ce chapitre, qui nous annonce que Caïn, maudit de Dieu, sera puni par la stérilité de la terre, n'échappe pas aux calomnies des Manichéens. En essayant de le mettre en contradiction avec l'Evangile, ils me paraissent voir dans leurs auditeurs ou leurs lecteurs plutôt des animaux aveugles que des hommes; ils abusent cruellement de l'ignorance profonde et du déplorable aveuglement de leurs adeptes. En effet, à ce passage de la Genèse ils opposent ces lignes de l'Evangile, où le Sauveur parlant à ses disciples leur dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain; car ce lendemain se suffira à lui-même. Voyez les oiseaux du ciel, ils ne sèment point, ils ne moissonnent point, ils n'entassent rien dans des greniers2 ». Est-ce que nous allons comparer Caïn fratricide aux disciples de Jésus-Christ? parce que ce meurtrier a mérité que la terre lui fût stérile, faut-il conclure que la même stérilité devait frapper ceux qui, en suivant Notre-Seigneur Jésus-Christ, se préparaient à la prédication de l'Evangile? Ces deux chapitres, l'un de la Genèse, l'autre de l'Evangile, loin d'être en contradiction, ont entre eux la corrélation la plus parfaite. Qu'un frère, meurtrier de son frère, voie ses travaux sur la terre frappés de la stérilité la plus complète, quoi de plus juste? mais que des hommes qui, par le ministère de la parole, travaillaient à la délivrance de leurs frères, n'aient pas à s'occuper du lendemain, que la terre pour eux féconde leur prodigue ses dons, quoi de plus naturel? Si les Manichéens sont saisis d'horreur parce que la terre devient stérile pour un criminel maudit de Dieu ; pourquoi, dans le Nouveau Testament, ne pas avoir en horreur la malédiction lancée par Notre-Seigneur contre le figuier stérile3, sans que son maître fût coupable de cette stérilité ? S'ils entendent avec bonheur Jésus invitant ses disciples à ne pas se tourmenter du lendemain, parce que Dieu prendra soin de leur nourriture, pourquoi ne pas se réjouir également de cette sentence prophétique : « Jetez en Dieu toute votre sollicitude et il vous nourrira4 ? » Comment donc ces malheureux ne comprennent-ils pas que les oracles divins qu'ils abhorrent dans l'Ancien Testament, sont si réellement la vérité même que nous les rencontrons dans le Nouveau Testament? Ce que celui-ci loue et enseigne, l'autre le prêche également: il est donc évident pour tout homme sensé que les deux Testaments présentent entre eux l'accord le plus parfait.