1.
Il est écrit que Dieu parla à Adam et à Eve, au serpent, à Caïn et aux patriarches1 ; il apparut même à plusieurs, et se montra visiblement à eux. Ces faits se trouvent consignés dans différentes pages des saintes Ecritures. Or, les Manichéens s'indignent contre ces récits, et prétendent qu'ils sont contraires au Nouveau Testament, où nous lisons: «Personne n'a jamais vu Dieu, si ce n'est son Fils unique qui est dans le sein du Père; c'est lui qui nous a parlé du Père2 ». Il dit encore aux Juifs : « Vous n'avez pas entendu sa voix, et vous n'avez pas vu sa face, et vous n'avez pas sa parole en vous, parce que vous n'avez pas cru à Celui qu'il a envoyé3» . A cette objection, nous répondons que ces paroles de l'Evangile : « Personne n'a jamais vu Dieu, si ce n'est le Fils qui est dans le sein du Père et qui nous a parlé de lui », résolvent à elles seules toute la question. En effet, le Fils, qui est le Verbe de Dieu, non-seulement dans ces derniers temps, où il apparut aux hommes revêtu de notre humanité, mais dès la création et souvent depuis, a révélé à qui il l'a voulu les secrets du Père, soit par le langage, soit par les apparitions, soit par l'intermédiaire de la puissance angélique, soit par l'entremise de toute autre créature. Or, il est certain qu'il est la vérité en tout, qu'il est le fondement de tout, que tout obéit à ses ordres et lui est soumis. Et cependant en tant qu'il est Dieu, en tant qu'il est le Verbe du Père, coéternel à son Père, immuable et l'auteur de la création tout entière, il ne peut être vu que par un coeur parfaitement pur et simple. Voilà pourquoi, dans certains passages, l'Ecriture nous dit qu'un ange apparut, quand c'est Dieu lui-même qui apparaissait4. Ainsi, dans la lutte que soutint Jacob, il n'est question que de l'apparition d'un ange5. Le Seigneur apparut à Moïse dans le buisson ardent6; plus tard il lui parla encore dans le désert, après la sortie d'Égypte, en lui donnant la Loi sur le Sinaï7. Mais soit qu'il s'agisse du buisson ardent où Moïse reçut sa mission, soit du Sinaï où il reçut la Loi, saint Etienne, dans les Actes des Apôtres, se contente de dire qu'un ange apparut à Moïse8. J'insiste sur ce point afin de dissiper l'erreur de ceux qui oseraient soutenir que le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, peut être circonscrit dans un espace, et apparaître visiblement, sans emprunter la forme d'aucune créature visible. En effet, de même que c'est la présence réelle du Verbe de Dieu dans un prophète qui permet à celui-ci cette formule : Dieu a dit, puisque le Verbe de Dieu, Jésus-Christ, proclame la vérité par l'organe du prophète; de même c'est lui qui parle dans l'ange, quand celui-ci annonce la vérité. On peut donc dire alors et en toute justice : Dieu a dit; Dieu est apparu; comme aussi : L'ange a dit, l'ange est apparu. D'un côté, on envisage la personne même de Dieu sous la forme de l'ange; de l'autre on a particulièrement en vue la créature, qui n'est alors qu'un instrument docile. C'est dans ce sens que l'Apôtre a dit de lui-même : « Voulez-vous mettre à l'épreuve Jésus-Christ qui parle en moi9 ? »