1.
Nous lisons dans Isaïe : « Pendant l'année dans laquelle mourut Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très-élevé; toute la demeure était remplie de sa gloire; autour de lui se tenaient des Séraphins portant chacun six ailes ; deux d'entre elles leur servaient à voiler leur visage et deux autres couvraient leurs pieds1 ». A ce texte, Adimantus oppose ces paroles de l'Apôtre : « Au Roi invisible des siècles bonheur et louange dans la suite des siècles2 ». Il s'agit ici de savoir quelle est la pensée de notre adversaire; ou bien croit-il que le Prophète oublie de parler des deux autres ailes dont les Séraphins se servaient pour voler, en répétant : « Saint, Saint; Saint le Dieu des armées? » ou bien pense-t-il que tout n'est pas exprimé dans les paroles de l'Apôtre? Voici ces paroles : « Au Roi invisible, incorruptible des siècles, à Dieu seul, honneur et gloire dans les siècles des siècles ». A-t-il craint que le souvenir de la Trinité ne rappelât au lecteur la pensée du Prophète, et ne lui donnât occasion de soupçonner là quelque grand mystère inconnu? En effet, c'est trois fois qu'il est dit : « Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu des armées ». D'un autre côté, peut-être que le texte de l'Apôtre lui paraît exprimer formellement l'incorruptibilité de Dieu. Alors je lui ferais la réponse que je fais à tous les siens Quelle atteinte pouvait donc porter à un Dieu incorruptible cette nation des ténèbres, lors même qu'il aurait refusé de combattre contre elle? Admettra-t-on qu'il avait lu des exemplaires interpolés, ou que le texte attribué à Adimantus et que nous avons lu nous-même était également interpolé ? Dans ce cas, nous n'avons pas à discuter plus longtemps sur un point aussi douteux. Qu'il nous suffise de savoir pourquoi le Prophète a pu dire qu'il avait vu le Seigneur assis sur un trône très-élevé, tandis que l'Apôtre affirme l'invisibilité de Dieu. Je demande aux Manichéens si les choses invisibles peuvent être vues. S'ils répondent affirmativement, qu'ils me disent pourquoi ils accusent le Prophète d'avoir dit qu'il avait vu le Dieu invisible. Si leur réponse est négative, qu'ils ne ménagent alors aucune accusation contre un apôtre qui a osé dire: « Les choses invisibles de Dieu ont été, depuis la création du monde, rendues visibles par les choses créées3». Ne l'entendez-vous pas se servir successivement du mot invisible4, pour désigner des choses dont il dit ensuite qu'elles ont été vues? Comment ne pas convenir qu'ils sont obligés d'avouer que ce qui est invisible pour les yeux du corps, est visible pour l'esprit? Si donc le Prophète a vu Dieu, qui est invisible corporellement, ce n'est pas par les yeux de son corps, mais uniquement par son intelligence.