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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE IX. C'EST DIEU, ET NON LE DÉMON, QUI EST L'AUTEUR DU CORPS HUMAIN.
Or, quiconque nie que Dieu soit l'auteur de nos membres et de notre corps, que l'Apôtre vante et loue si fort, est en contradiction, vous voyez avec qui, et vous annonce une autre doctrine que celle que nous avons reçue[^11]. Est-il besoin que je le réfute ? ne doit-il pas plutôt être anathématisé par tous les chrétiens ? L'Apôtre dit : « Dieu a réglé le corps »; Fauste dit : Ce n'est pas Dieu, mais Hylé. Qu'y a-t-il de plus clair que ces contradictions hostiles qu'il faut anathématiser plutôt que réfuter ? Est-ce que l'Apôtre en disant: « Dieu », a ajouté : « de ce siècle[^12] ? » Pourtant si on entend dire que le démon aveugle les esprits des infidèles, par des suggestions coupables ; nous ne le nierons pas; et ceux qui y cèdent, perdent la lumière de la justice par une juste punition de Dieu. Nous lisons tout cela dans les saintes Ecritures : car voici un texte qui s'applique à la séduction venant du dehors : « Je crains que comme le serpent séduisit Eve par son astuce, ainsi vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité et de la chasteté qui sont dans le Christ[^13] » puis cet autre du même genre: « Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs[^1] »; puis un encore où chacun est représenté comme son propre séducteur : « Car si quelqu'un s'estime être quelque chose, comme il n'est rien, il s'abuse lui-même[^2] » ; et enfin cet autre sur la vengeance divine, que j'ai déjà cité plus haut : « Dieu les a livrés à un sens réprouvé, en sorte qu'ils ont fait les choses qui ne conviennent pas[^3] ». De même, dans les anciens livres, après avoir d'abord dit : « Dieu n'a pas fait la mort et ne se réjouit pas de la perte des vivants[^4] », le sage ajoute peu après : « C'est par la jalousie du démon que la mort est entrée dans le monde[^5] ». Et encore, à propos de la mort, de peur que les hommes ne se croient innocents, il dit : « Les impies l'ont appelée par leurs actions et par leurs paroles, et la regardant comme une amie, ils ont défailli[^6]». Mais ailleurs il dit : « Les biens et les maux, la vie et la mort, les richesses et la pauvreté viennent du Seigneur Dieu[^7] ». Ici les hommes troublés ne comprennent pas que dans une seule et même mauvaise action (non par l'effet d'une vengeance postérieure et manifeste, mais par une certaine vengeance qui s'y attache immédiatement) il y a une part à attribuer à la ruse de celui qui conseille, une part à la malice de celui qui veut, et une troisième à la justice de celui qui punit : en effet, le démon suggère, l'homme consent, Dieu se retire. Ainsi, dans une oeuvre mauvaise, par exemple dans l'aveuglement des infidèles, si par ces mots : « Le Dieu de ce siècle », on entend le démon comme perfide conseiller, je ne trouve point le sens absurde. Car on ne dit pas « Dieu » simplement, puisqu'on ajoute : « de ce siècle », c'est-à-dire des impies, des hommes qui ne veulent prospérer que dans ce siècle, qu'on appelle aussi siècle mauvais, comme il est écrit : « Afin de nous arracher à ce siècle mauvais[^8] ». C'est ainsi que dans ce passage : « Dont le dieu est le ventre[^9], s'il n'y avait le mot : « Dont », on ne dirait pas : « Le dieu est le ventre ». Et dans le Psaume, on n'appellerait pas dieux les démons, si on n'y ajoutait, des nations, car le texte porte : « Parce que les dieux des nations sont des démons[^10] ». Mais ici il ne s'agit ni de : « Le dieu de ce siècle», ni de : « Dont le dieu est le ventre », ni de : « Les dieux des nations sont des démons »; mais on dit simplement : « Dieu a réglé le corps » ; et par Dieu on ne peut entendre ici que le vrai Dieu, créateur de toutes choses. Là, en effet, c'est le langage du blâme, ici, c'est celui de l'éloge. A moins que Fauste n'entende que Dieu a réglé le corps, non en disposant ses membres, c'est-à-dire en le formant et en le construisant, mais en y mêlant sa lumière; en sorte qu'un autre aurait créé les membres, les aurait destinés à leur usage propre et mis chacun à sa place, et que Dieu, en y mêlant sa bonté, mirait corrigé le vice de la construction, car c'est par de telles fables qu'ils abrutissent les âmes faibles. Mais Dieu, qui vient en aide aux petits par la bouche de ses saints, ne leur permet pas même de tenir ce langage. Car tu lis un peu plus haut : « Mais Dieu a placé dans le corps chacun des membres comme il l'a voulu ». Qui ne conclura de là que Dieu est l'ordonnateur du corps, qu'il a composé de beaucoup de membres, dont les diverses fonctions se maintiennent dans l'ensemble pour concourir à l'unité ?
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Gal. I, 9.
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II Cor. IV, 4.
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Id. XI, 3.
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I Cor. XV, 33.
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Gal. VI, 3.
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Rom. I, 28.
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Sag. I, 13. .
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Id. II, 24.
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Sag. I, 16.
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Eccli. XI, 14.
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Gal. I, 4.
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Phil. III, 19.
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Ps. XCV, 5.
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Reply to Faustus the Manichaean
9.
Whoever, then, denies that our body and its members, which the apostle so approves and extols, are the handiwork of God, you see whom he contradicts, preaching contrary to what you have received. So, instead of refuting his opinions, I may leave him to be accursed of all Christians. The apostle says, God tempered the body. Faustus says, Not God, but Hyle. Anathemas are more suitable than arguments to such contradictions. You cannot say that God is here called the God of this world. And if any one understands the passage where this expression does occur to mean that the devil blinds the minds of unbelievers, we grant that he does so by his evil suggestions, from yielding to which, men lose the light of righteousness in God's righteous retribution. This is all in accordance with sacred Scripture. The apostle himself speaks of temptation from without: "I fear lest, as the serpent beguiled Eve through his subtilty, so your minds should be corrupted from the simplicity and purity that is in Christ." 1 To the same purpose are the words, "Evil communications corrupt good manners;" 2 and when he speaks of a man deceiving himself, "Whoever thinketh himself to be anything, when he is nothing, deceiveth himself;" 3 or again, in the passage already quoted of the judgment of God, "God gave them over to a reprobate mind, to do those things which are not convenient." 4 Similarly, in the Old Testament, after the words, "God did not create death, nor hath He pleasure in the destruction of the living," we read, "By the envy of the devil death entered into the world." 5 And again of death, that men may not put the blame from themselves, "The wicked invite her with hands and voice; and thinking her a friend, they are drawn down." 6 Elsewhere, however, it is said, "Good and evil, life and death, riches and poverty, are from the Lord God." 7 This seems perplexing to people who do not understand that, apart from the manifest judgment to follow hereafter upon every evil work, there is an actual judgment at the time; so that in one action, besides the craft of the deceiver and the wickedness of the voluntary agent, there is also the just penalty of the judge: for while the devil suggests, and man consents, God abandons. So, if you join the words, God of this world, and understand that the devil blinds unbelievers by his mischievous delusions, the meaning is not a bad one. For the word God is not used by itself, but with the qualification of this world, that is, of wicked men, who seek to prosper only in this age. In this sense the world is also called evil, where it is written, "that He might deliver us from this present evil age." 8 In the same way, in the expression, "whose god is their belly," it is only in connection with the word whose that the belly is called god. So also, in the Psalms, the devils would not be called gods without adding "of the nations." 9 But in the passage we are now considering it is not said, The god of this world, or, Whose god is their belly, or, The gods of the nations are devils; but simply, God has tempered the body, which can be understood only of the true God, the Creator of all. There is no disparaging addition here, as in the other cases. But perhaps Faustus will say that God tempered the body, not as the maker of it, in the arrangement of its members, but by mixing His light with it. Thus Faustus would attribute to some other being than God the construction of the body, and the arrangement of its members, while God tempered the evil of the construction by the mixture of His goodness. Such are the inventions with which the Manichaeans cram feeble minds. But God, in aid of the feeble, by the mouth of the sacred writers rebukes this opinion. For we read a few verses before: "God has placed the members every one of them in the body, as it has pleased Him." Evidently, God is said to have tempered the body, because He has constructed it of many members, which in their union preserve the variety of their respective functions.