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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE IV. OBJECTION DE FAUSTE SUR LA VIRGINITÉ ET LE MARIAGE.
Que si Moïse et les Prophètes vous paraissent les interprètes de Dieu, et non des démons, quand ils établissent des distinctions entre les aliments; si c'est par l'inspiration de l'Esprit-Saint que Daniel jeûna trois semaines; si les trois jeunes hébreux, Ananias, Azarias et Mizaël, cédaient à un mouvement d'en haut quand ils donnaient la préférence aux herbes et aux légumes; si enfin tous ceux d'entre vous qui pratiquent l'abstinence ne cèdent pas à l'impulsion des démons; si ce n'est point par superstition, mais par obéissance à une loi divine, que vous vous abstenez de vin et de viande pendant le Carême: faites attention, je vous prie, prenez bien garde que ce ne soit chez Paul un acte de la plus insigne folie de regarder comme une doctrine de démons: toute espèce d'abstinence d'aliments et la défense du mariage. J'en dis autant de la consécration des vierges au Christ, qui serait aussi, selon lui, une doctrine de démons. Et vous, lisant cela, comme tant d'autres choses, sans réflexion, vous jetez vite les yeux sur nous ; et vous ne voyez pas que vos vierges sont prises dans les filets des démons, que vous êtes les prêtres des démons, vous qui excitez à l'envi ces vierges à embrasser cette profession, à tel point qu'on en compte presqu'autant que de femmes mariées dans toutes vos Eglises ? Pourquoi ne sortez-vous pas, vous aussi, de la voie où vous êtes entrés? Pourquoi tromper les malheureuses filles des hommes, si ce n'est pas la volonté du Christ, mais celle des démons, qui s'accomplit en elles ? Je voudrais que vous répondissiez d'abord à cette question : La doctrine des démons consiste-t-elle à faire des vierges, ou simplement à défendre le mariage ? Dans ce dernier cas, cela ne nous regarde pas : car, pour nous, celui qui défend le mariage, est aussi insensé que celui qui l'impose par force est impie et criminel. Mais si favoriser le mariage, ne pas s'opposer à celui qui veut l'embrasser, est encore, selon vous, une doctrine de démons, je me tais sur le danger que vous courez, mais je crains fort que l'Apôtre lui-même n'ait introduit à Iconium une doctrine de démons, quand il s'efforçait d'inspirer à Thècle, déjà fiancée, le désir de la virginité perpétuelle. Mais que dirons-nous du Maître, de l'auteur de toute sainteté, Jésus, l'Epoux-Vierge de toutes les vierges de profession, lequel, distinguant dans l'Evangile trois espèces d'eunuques, ceux qui sont nés tels, ceux que l'on a faits tels, et ceux qui se sont eux-mêmes rendus tels, donne cependant la préférence à ceux « qui », dit-il, « se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du royaume des cieux[^1] » : indiquant par là les vierges et les jeunes gens, qui, ayant arraché de leur cœur le désir du mariage, jouent dans son Eglise le rôle des eunuques qu'on voit dans les palais? Quoi 1 cela vous semble-t-il aussi une doctrine de démons, une inspiration de l'esprit séducteur? Mais qui donc vous parlera au nom de Dieu, s'il est démontré que Paul et le Christ sont des prêtres des démons? Je passe sous silence les autres apôtres du même Seigneur, Pierre et André, Thomas et Jean, Jean proclamé heureux entre tous pour n'avoir point connu les atteintes de Vénus; lesquels, d'une manière ou de l'autre, ont exalté et préconisé au nom de Dieu la profession de la virginité parmi les jeunes filles et les jeunes hommes, nous laissant, ainsi qu'à vous, le modèle pour former des vierges: Encore une fois, je n'en parle pas, puisque vous les avez exclus de votre canon et qu'il n'en coûte guère à vos esprits sacrilèges de leur prêter des doctrines de démons. Mais en direz-vous donc autant du Christ et de l'apôtre Paul qui (c'est une chose constante) a toujours préféré les vierges aux femmes mariées, et l'a prouvé de fait à l'occasion de la très-sainte Thècle ? Et si ce n'est pas une doctrine de démons que Paul enseigne à Thècle et que prêchent les autres Apôtres, qui pourra croire que Paul ait enseigné qu'engager à garder la virginité était entrer dans l'intention et dans la doctrine des démons ? En attendant, vous n'avez pas de raison de peuser que ce sont seulement les exhortations qui font les vierges, et non la défense du mariage. Ce dernier point est comme naturalisé chez nous: et ce ne serait pas seulement folie, mais délire, de penser qu'on peut empêcher par un règlement particulier ce qui est permis par la loi publique : je parle du mariage. C'est pourquoi nous exhortons les femmes qui en ont l'intention à y persévérer ; mais nous ne forçons point celles qui s'y refusent. Car nous savons tout ce que la volonté, tout ce que la nature elle-même a de force contre la loi publique, à plus forte raison contre une loi particulière à laquelle on peut toujours répondre : Je ne veux pas. Si donc il est permis de faire ainsi des vierges, nous sommes, nous aussi, irréprochables, si, au- contraire, c'est un crime d'en faire par quelque procédé que ce soit, vous êtes vous-mêmes criminels. En tout cas, je ne vois pas dans quelle pensée ou dans quel but, vous nous objectez ce chapitre.
- Matt. XIX, 12.
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Reply to Faustus the Manichaean
4.
But if you think that in making a distinction in food, Moses and the prophets established a divine ordinance, and not a doctrine of devils; if Daniel in the Holy Spirit observed a fast of three weeks; if the youths Ananias, Azarias, and Mishael, under divine guidance, chose to live on cabbage or pulse; if, again, those among you who abstain, do it not at the instigation of devils; if your abstinence from wine and flesh for forty days is not superstitious, but by divine command,--consider, I beseech you, if it is not perfect madness to suppose these words to be Paul's that abstinence from food and forbidding to marry are doctrines of devils. Paul cannot have said that to dedicate virgins to Christ is a doctrine of devils. But you read the words, and inconsiderately, as usual, apply them to us, without seeing that this stamps your virgins too as led away by the doctrine of devils, and that you are the functionaries of the devils in your constant endeavors to induce virgins to make this profession, so that in all your churches the virgins nearly outnumber the married women. Why do you still adhere to such practises? Why do you ensnare wretched young women, if it is the will of devils, and not of Christ, that they fulfill? But, first of all, I wish to know if making virgins is, in all cases, the doctrine of devils, or only the prohibition of marriage. If it is the prohibition, it does not apply to us, for we too hold it equally foolish to prevent one who wishes, as it is criminal and impious to force one who has some reluctance. But if you say that to encourage the proposal, and not to resist such a desire, is all the doctrine of devils, to say nothing of the consequence as regards you, the apostle himself will be thus brought into danger, if he must be considered as having introduced the doctrines of devils into Iconium, when Thecla, after having been betrothed, was by his discourse inflamed with the desire of perpetual virginity. 1 And what shall we say of Jesus, the Master Himself, and the source of all sanctity, who is the unwedded spouse of the virgins who make this profession, and who, when specifying in the Gospel three kinds of eunuchs, natural, artificial, and voluntary, gives the palm to those who have "made themselves eunuchs for the kingdom of heaven," 2 meaning the youths of both sexes who have extirpated from their hearts the desire of marriage, and who in the Church act as eunuchs of the King's palace? Is this also the doctrine of devils? Are those words, too, spoken in a seducing spirit? And if Paul and Christ are proved to be priests of devils, is not their spirit the same that speaks in God? I do not mention the other apostles of our Lord, Peter, Andrew, Thomas, and the example of celibacy, the blessed John, who in various ways commended to young men and maidens the excellence of this profession, leaving to us, and to you too, the form for making virgins. I do not mention them, because you do not admit them into the canon, and so you will not scruple impiously to impute to them doctrines of devils. But will you say the same of Christ, or of the Apostle Paul, who, we know, everywhere expressed the same preference for unmarried women to the married, and gave an example of it in the case of the saintly Thecla? But if the doctrine preached by Paul to Thecla, and which the other apostles also preached, was not the doctrine of devils, how can we believe that Paul left on record his opinion, that the very exhortation to sanctity is the injunction and the doctrine of devils? To make virgins simply by exhortation, without forbidding to marry, is not peculiar to you. That is our principle too; and he must be not only a fool, but a madman, who thinks that a private law can forbid what the public law allows. As regards marriage, therefore, we too encourage virgins to remain as they are when they are willing to do so; we do not make them virgins against their will. For we know the force of will and of natural appetite when opposed by public law; much more when the law is only private, and every one is at liberty to disobey it. If, then, it is no crime to make virgins in this manner, we are guiltless as well as you. If it is wrong to make virgins in any way, you are guilty as well as we. So that what you mean, or intend, by quoting this verse against us, it is impossible to say.