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Contre Fauste, le manichéen
CHAPITRE VIII. PREUVE TIRÉE DU CONTEXTE.
Pour faire ressortir davantage la vérité de ma pensée, examinons l'ensemble du texte où est renfermé cet oracle, dont nos adversaires tirent leurs fausses inductions : « La charité de Jésus-Christ nous presse », dit l'Apôtre, « considérant que si un seul est mort pour tous, tous aussi sont morts; or, Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux. C'est pourquoi nous ne connaissons plus personne selon la chair; et si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant de cette sorte ». Il est de toute évidence que dans ces dernières paroles, l'Apôtre avait en vue le Christ ressuscité, comme l'insinuent celles qui précèdent : « Afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et qui est ressuscité pour eux ». Qu'est-ce à dire, qu'ils vivent non pour eux-mêmes, mais pour celui, etc. », sinon qu'ils vivent, non selon la chair, dans la convoitise des biens terrestres et corruptibles, mais selon l'esprit, dans l'espérance de la résurrection déjà réalisée pour eux dans la personne du Christ? C'est pourquoi l'Apôtre ne connaissait personne selon la chair, parmi ceux pour qui Jésus-Christ est mort et ressuscité, et qui vivent, non pour eux-mêmes, mais pour lui, et cela eu égard à l'espérance de l'immortalité future qu'ils attendaient : attente qui n'était plus, en Jésus-Christ, une espérance, mais une réalité ; et si l'Apôtre l'avait connu selon la chair avant sa mort, maintenant il ne le connaissait plus de cette sorte, sachant qu'il était ressuscité, et que la mort ne devait plus avoir d'empire sur lui.
Et comme c'est là ce que nous sommes en lui, sinon encore en réalité, du moins en espérance, il ajoute : « Si quelqu'un est en Jésus-Christ, il est devenu une nouvelle créature, ce qui est vieux est passé, tout est devenu nouveau. Et ce tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ[^4] ». Ainsi donc, toute créature nouvelle, en d'autres termes, le peuple renouvelé par la foi, afin de posséder en espérance ce que plus tard il possédera complètement en réalité, trouve dans le Christ ce qu'il attend pour lui-même. Donc encore, si « tout ce qui est vieux est passé », c'est dans l'objet de l'espérance, car nous ne sommes plus à l'époque de l'Ancien Testament, où l'on attendait de Dieu un royaume éphémère et charnel; et si « tout est devenu nouveau n, c'est aussi dans l'objet de l'espérance, car elle nous attache aujourd'hui à la promesse d'un royaume des cieux, d'où seront bannies la corruption et la mort. A la résurrection des morts, néanmoins, ce ne sera plus dans l'espérance, mais dans la réalité, que ce qui est vieux passera, puisque notre ennemie dernière, la mort, sera complètement anéantie, et que tout sera renouvelé, puisque, corruptible, ce corps revêtira l'incorruptibilité, et mortel, l'immortalité[^5].
Transformation heureuse, accomplie dès maintenant dans le Christ : aussi était-ce en réalité que saint Paul ne le connaissait plus selon la chair; tandis que c'était en espérance simplement qu'il ne connaissait plus selon la chair aucun de ceux pour qui Jésus est mort et pour qui il est ressuscité. C'est par sa grâce effectivement, comme l'écrit le même Apôtre aux Ephésiens, que nous sommes sauvés.
Ce nouveau passage confirme notre sentiment; le voici : « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, par le grand amour dont il nous a aimés, et lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés dans le Christ, par la grâce duquel nous sommes sauvés ».
Ces mots : « Nous a vivifiés dans le Christ », ont le même sens que ces autres adressés aux Corinthiens : « Afin que ceux qui vivent, ne a vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux, et qui pour eux est ressuscité ». Quant aux paroles suivantes : « Par la grâce duquel nous sommes sauvés », elles semblent indiquer que notre salut est un fait accompli, tandis qu'il l'est seulement en espérance. Ne dit-il pas expressément ailleurs, comme je l'ai rappelé un peu plus haut : « C'est en espérance que nous sommes sauvés? » Aussi poursuit-il, et continuant à représenter l'avenir comme déjà réalisé : « Dieu, dit-il, nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir en même temps dans les cieux en Jésus-Christ » . Le Christ, sans aucun doute, siége maintenant dans le ciel, mais pas encore nous. Cependant, comme notre espoir est assuré, et nous met en quelque sorte entre les mains ce dont nous ne jouirons que plus tard, l'Apôtre a pu dire que dès maintenant nous siégeons dans le ciel, non pas en nous-mêmes, mais dans la personne du Fils de Dieu. Aussi, pour écarter l'erreur et empêcher de considérer comme accompli réellement ce qui ne l'est qu'en espérance et ne le sera que plus tard en réalité, il continue de la manière suivante : « Pour manifester dans les siècles à venir les richesses surabondances de sa grâce, par la bonté qu'il a pour nous dans le Christ Jésus[^1]».
A notre interprétation se rapportent aussi ces mots : « Lorsque nous étions dans la chair, les passions du péché, éveillées par la loi, agissaient dans nos membres jusqu'à leur faire porter des fruits de mort[^2]». — «Lorsque nous étions dans la chair », ne semble-t-il pas exprimer qu'on n'y était plus? Mais voici le sens. Lorsque nous vivions encore avec l'espoir des biens terrestres, à l'époque où la loi, qu'il est impossible d'accomplir sans la charité spirituelle, pesait sur eux et aboutissait à multiplier leurs fautes, puisqu'ils l'enfreignaient; aussi a-t-il fallu qu'en ouvrant par bonté .un Nouveau Testament, Dieu fit surabonder la grâce[^3]. La même idée est contenue dans cette phrase d'une autre Epître a Ceux qui sont dans la chair, ne sauraient « plaire à Dieu ». Ce qui prouve qu'il ne s'agit pas ici de ceux qui ne sont pas encore morts, c'est ce qu'ajoute l'Apôtre : « Pour vous, vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'esprit[^6] » . En d'autres ternies : ceux qui vivent dans l'espoir des biens charnels ne sauraient plaire à Dieu; or, vous n'avez pas, vous, cet espoir des biens matériels, mais l'espérance des biens spirituels, ou du royaume -des cieux, au sein duquel le corps lui-même, grâce à sa transformation, sera devenu comme spirituel, d'animal qu'il est aujourd'hui. « On le sème corps animal », dit le même Apôtre aux Corinthiens, « il lèvera corps spirituel[^7] ».
Maintenant, si l'Apôtre ne connaissait plus selon la chair aucun de ceux qu'il assure ne vivre plus dans la chair, en ce sens qu'ils ne nourrissaient plus l'espoir des biens charnels, tout revêtus qu'ils fussent encore de leur chair corruptible et mortelle; à combien plus forte raison ne pouvait-il pas dire du Christ, qu'il ne le connaissait plus selon la chair, lui qui possède réellement dans son corps glorieux le merveilleux changement que les autres attendaient seulement, et parce qu'il leur était promis? Ah 1 combien il est préférable, combien il est plus religieux, quand on étudie les divines Ecritures, de tout approfondir pour les mettre d'accord entre elles, que de les louer ici comme vraies, et de les condamner là comme fausses, pour n'avoir pas assez travaillé à dilucider une question qui paraît insoluble ! Eh ! quand l'Apôtre lui-même était enfant et n'avait qu'une sagesse d'enfant[^8], ce qu'il disait toutefois par comparaison, il n'avait pas atteint encore le degré d'élévation spirituelle où il était monté quand, pour l'édification des églises, il écrivait, non pas des livres destinés aux exercices et aux progrès littéraires des hommes studieux, mais des Epîtres pleines d'autorité, destinées à être lues et observées comme tout ce que contient le canon ecclésiastique.
Ces onze premiers livres sont traduits par M. l'abbé HUSSENOT.
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II Cor. V, 14-18.
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I Cor. XV, 26, 53.
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Ephés. II, 4-7.
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Rom. VII, 5.
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Rom. V, 20.
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Rom. VIII, 8, 9.
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I Cor. XV, 44.
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I Cor. XIII, 11.
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Reply to Faustus the Manichaean
8.
The context of the passage containing this clause of which our adversaries make such a bad use, brings out its real meaning. "The love of Christ," we read, "constrains us, because we thus judge, that if one died for all, then all died; and He died for all, that they which live should not henceforth live unto themselves, but to Him who died for them, and rose again. Therefore henceforth know we no man after the flesh; and though we have known Christ after the flesh, yet now henceforth know we Him no more." The words, "that they which live should not henceforth live unto themselves, but unto Him who died for them, and rose again," show plainly that the resurrection of Christ is the ground of the apostle's statement. To live not to themselves, but to Him, must mean to live not after the flesh, in the hope of earthly and perishable goods, but after the spirit, in the hope of resurrection,--a resurrection already accomplished in Christ. Of those, then, for whom Christ died and rose again, and who live henceforth not to themselves, but to Him, the Apostle says that he knows no one after the flesh, on account of the hope of future immortality to which they were looking forward,--a hope which in Christ was already a reality. So, though he has known Christ after the flesh, before His death, now he knows Him no more; for he knows that He has risen, and that death has no more dominion over Him. And because in Christ we all are even now in hope, though not in reality, what Christ is, he adds: "Therefore if any man be in Christ, he is a new creature: old things are passed away; behold, all things are become new. And all things are of God, who has reconciled us to Himself by Christ." 1 What the new creature--that is, the people renewed by faith--hopes for regarding itself, it has already in Christ; and the hope will also hereafter be actually realized. And, as regards this hope, old things have passed away, because we are no longer in the times of the Old Testament, expecting a temporal and carnal kingdom of God; and all things are become new, making the promise of the kingdom of heaven, where there shall be no death or corruption, the ground of our confidence. But in the resurrection of the dead it will not be as a matter of hope, but in reality, that old things shall pass away, when the last enemy, death, shall be destroyed; and all things shall become new when this corruptible has put on incorruption, and this mortal has put on immortality. This has already taken place in Christ, whom Paul accordingly, in reality, knew no longer after the flesh. But not yet in reality, but only in hope, did he know no one after the flesh of those for whom Christ died and rose again. For, as he says to the Ephesians, we are already saved by grace. The whole passage is to the purpose: "But God, who is rich in mercy, for His great love wherewith He loved us, even when we were dead in sins, hath quickened us together with Christ, by whose grace we have been saved." The words, "hath quickened us together with Christ," correspond to what he said to the Corinthians, "that they which live should no longer live to themselves, but to Him that died for them and rose again." And in the words, "by whose grace we have been saved," he speaks of the thing hoped for as already accomplished. So, in the passage quoted above, he says explicitly, "We have been saved by hope." And here he proceeds to specify future events as if already accomplished. "And has raised us up together," he says, "and has made us sit together in heavenly places in Christ Jesus." Christ is certainly already seated in heavenly places, but we not yet. But as in an assured hope we already possess the future, he says that we sit in heavenly places, not in ourselves, but in Him. And to show that it is still future, in case it should be thought that what is spoken of as accomplished in hope has been accomplished in reality, he adds, "that He might show in the ages to come the exceeding riches of His grace in His kindness towards us in Christ Jesus." 2 So also we must understand the following passage: "For when we were in the flesh, the motions of sins, which were by the law, did work in our members to bring forth fruit unto death." 3 He says, "when we were in the flesh," as if they were no longer in the flesh. He means to say, when we were in the hope of fleshly things, referring to the time when the law, which can be fulfilled only by spiritual love, was in force, in order that by transgression the offence might abound, that after the revelation of the New Testament, grace and the gift by grace might much more abound. And to the same effect he says elsewhere, "They which are in the flesh cannot please God;" and then, to show that he does not mean those not yet dead, he adds, "But ye are not in the flesh, but in the Spirit." 4 The meaning is, those who are in the hope of fleshly good cannot please God; but you are not in the hope of fleshly things, but in the hope of spiritual things, that is, of the kingdom of heaven, where the body itself, which now is natural, will, by the change in the resurrection, be, according to the capacity of its nature, a spiritual body. For "it is sown a natural body, it will be raised a spiritual body." If, then, the apostle knew no one after the flesh of those who were said to be not in the flesh, because they were not in the hope of fleshly things, although they still were burdened with corruptible and mortal flesh; how much more significantly could he say of Christ that he no longer knew Him after the flesh, seeing that in the body of Christ what they hoped for had already been accomplished! Surely it is better and more reverential to examine the passages of sacred Scripture so as to discover their agreement with one another, than to accept some as true, and condemn others as false, whenever any difficulty occurs beyond the power of our weak intellect to solve. As to the apostle in his childhood understanding as a child, this is said merely as an illustration. 5 And when he was a child he was not a spiritual man, as he was when he produced for the edification of the churches those writings which are not, as other books, merely a profitable study, but which authoritatively claim our belief as part of the ecclesiastical canon.