CHAPITRE XVI. LE PETIT NOMBRE DES FIDÈLES. L'IVRAIE TOLÉRÉE PARMI LE BON GRAIN.
En vertu de ces considérations et d'autres de ce genre, que nous ne faisons qu'effleurer rapidement, mais qu'il faudrait peut-être alors développer davantage et appuyer de preuves plus nombreuses pour détruire une erreur invétérée, le païen que Fauste nous donne pour catéchumène, serait certainement déterminé à croire, s'il préférait son salut à ses péchés; et une fois croyant, et placé et réchauffé dans le sein de l'Église catholique, il serait ensuite instruit de la conduite qu'il aurait à tenir, des devoirs qu'il aurait à pratiquer. Et il ne se troublerait point en voyant la multitude de ceux qui n'observeraient point les lois qui lui seraient imposées, bien qu'ils fussent corporellement réunis à lui dans l'Église et qu'ils participassent aux mêmes sacrements. Il saurait que l'héritage céleste se partage avec le petit nombre, bien que ses signes extérieurs soient communs à beaucoup; que bien peu possèdent la sainteté de vie et le don de la charité répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[^1] : source intérieure inaccessible à tout étranger; tandis que beaucoup prennent part au saint Sacrement dont il est dit que celui qui le mange et boit indignement, mange et boit son propre jugement[^2], et encore que celui qui dédaigne de s'en nourrir n'aura point la vie en lui[^3] et, par conséquent, ne parviendra point à la vie éternelle. Il saurait que ce petit nombre est ainsi appelé par comparaison à la multitude des méchants; qu'en réalité ceux qui le composent sont nombreux, et répandus par toute la terre, qu'ils croissent parmi l'ivraie et avec la paille jusqu'au jour de la moisson et de la séparation[^4]. Cela est dit dans l'Évangile, cela a été prédit par les Prophètes. En effet, la prophétie avait dit d'avance « Comme le lis au milieu des épines, ma bien-aimée s'élève au-dessus des jeunes filles[^5] ». Et aussi : « J'ai habité dans les tentes de Cédar ; j'étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix[^6] ». Et encore : « Marque au front ceux qui gémissent et s'affligent des iniquités qui se commettent au milieu de mon peuple[^7]». Ainsi ce gentil, affermi par ce langage, déjà devenu concitoyen des saints et de la maison de Dieu, n'étant plus séparé d'Israël[^8], mais véritable Israélite en qui il n'y aurait plus d'artifice[^9], apprendrait à prononcer, avec un coeur simple, les paroles que le même Jérémie ajoute à la suite : « Seigneur, l'attente d'Israël, que tous ceux qui vous abandonnent soient frappés d'épouvante ». En effet, après avoir parlé de la perdrix qui crie et assemble des petits qui ne sont pas les siens, il a fait ressortir l'excellence de la ville située sur la montagne et qui ne peut se cacher, afin que les hérétiques ne séparent point l'homme de l'Église catholique, et il a dit : « Une demeure glorieuse s'est élevée, le lieu de notre sanctification ».
Ensuite, comme s'il lui était venu en pensée de demander : Que ferons-nous de tant de méchants qui se mêlent d'autant mieux partout aux fidèles, que la gloire du Christ brille davantage dans l'unité de tous les peuples ? il ajoute aussitôt : «Seigneur, l'attente d'Israël». Car il faut supporter avec patience, suivant le mot du Sauveur : « Laissez l’un et l'autre croître jusqu'à la moisson[^10]» : de peur que par défaut de patience à tolérer les méchants, les bons, qui sont proprement le corps du Christ, ne soient délaissés; et, quand ils le sont, le Christ l'est avec eux. Aussi le Prophète ajoute-t-il : « Que tous ceux qui vous abandonnent soient frappés d'épouvante; que ceux qui se sont retirés vers la terre soient confondus ». Car la terre c'est l'homme qui a confiance en lui-même et engage les autres à y en avoir ; aussi lit-on ensuite
«Ils seront détruits, parce qu'ils ont abandonné le Seigneur, la source de la vie ». Que crie, en effet, la perdrix, sinon que c'est en elle que se trouve et que se communique la source de la vie : afin que ceux qui s'assemblent à sa voix, s'éloignent du Christ, trompés par l'espoir de le trouver, vu que déjà ils connaissaient son nom? Car elle ne rassemble pas des petits qui soient à elle ; mais pour rassembler des petits qui ne sont pas les siens, elle dit : Le salut promis par le Christ est chez moi; c'est moi qui le donnerai. Mais voyez ce qu'enseigne le Prophète : « Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi et je serai sauvé ». Ce qui fait dire à l'Apôtre: «Que personne ne se glorifie dans l'homme[^11] » ; puis Jérémie ajoute : « Car vous êtes mon titre de gloire[^12]». C'est ainsi que nous instruisons l'homme d'après la doctrine des Apôtres et des Prophètes, afin qu'il soit bâti sur le fondement des Apôtres et des Prophètes[^13].
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Rom. V, 5.
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I Cor. XI, 29.
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Jean, VI, 54.
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Matt. XIII, 25, 26 ; III, 12.
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Cant. II, 2.
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Ps. CXIX, 5, 7.
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Ez. IX, 1.
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Eph. II, 19, 12.
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Jean, I, 47.
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Matt. XIII, 30.
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I Cor. III, 21.
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Jer. XVII, 13, 14.
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Eph. II, 20.