CHAPITRE VI. SUR ÉLIE ET SUR LE CHRIST, IL FAUT S'EN RAPPORTER A L'ÉCRITURE. LA MORT DU CHRIST N'A PU ÊTRE FAUSSE.
Mais, dit-on, si Elie, étant homme, a pu ne pas mourir, pourquoi le Christ, n'étant pas homme, n'aurait-il pas pu mourir? — C'est comme si l'on disait : Si la nature de l'homme a pu subir un changement en bien, pourquoi celle de Dieu n'en pourrait-elle subir un en mal? Insensé ! c'est parce que la nature de l'homme est changeante, et celle de Dieu immuable. Un autre fou pourrait aussi bien nous dire : Si Dieu peut faire régner l'homme éternellement, pourquoi ne pourrait-il pas lui-même se damner éternellement ? — Ce n'est point là ce que je veux dire, réplique-t-on ; je compare seulement la vie éternelle pour l'homme à une mort de trois jours pour Dieu. — Evidemment, tu serais dans le vrai si, par une mort de trois jours en Dieu, tu entendais la mort de la chair qu'il a empruntée de notre nature : car la vérité évangélique proclame que le Christ a subi une mort de trois jours pour procurer la vie éternelle aux hommes. Mais quand tu prétends qu'il n'est pas absurde d'admettre une mort de trois jours, dans la nature divine elle-même, et en dehors de notre chair mortelle, par la raison que la nature humaine peut être dotée de l'immortalité : tu déraisonnes complètement, comme un homme qui ne connaît ni Dieu, ni les dons de Dieu. Ensuite, est-ce que tu ne dis pas, est-ce que tu ne penses pas ce que je disais tout à l'heure, que Dieu s'est condamné lui-même à une damnation éternelle, puisqu'une partie de votre dieu est clouée à ce globe pour l'éternité? Diras-tu à cela qu'une partie de la lumière est lumière, et qu'une partie de Dieu n'est pas Dieu? En résumé, pour vous dire sans raisonnement et sur la simple autorité de la vraie foi, pourquoi nous croyons qu'Elie, né mortel, a été enlevé de terre par la puissance de Dieu, et, d'autre part, que le Christ est réellement né d'une vierge et réellement mort sur la croix : nous le croyons, parce que cela nous est attesté et d'Elie et du Christ par la sainte Ecriture[^1], qu'il faut croire pour être pieux et qu'on ne peut rejeter sans être impie. Mais vous niez, vous, ce qui concerne Elie, parce que tout est simulation chez vous ; quant au Christ, vous ne dites pas qu'il n'a pas pu naître et qu'il a pu mourir, mais vous prétendez qu'il n'est pas né d'une vierge et que sa mort sur la croix a été fausse, c'est-à-dire non-réelle, mais simulée pour faire illusion aux regards des hommes : et cela dans l'unique but de vous faire pardonner vos mensonges perpétuels par ceux qui croient à vos assertions sur ces deux points.
- IV Rois, II, 11 ; Matt. I, 25; XVII, 50.