19.
Quand il s’agit de l’intégrité et de la sainteté du sacrement, il n’importe nullement de savoir « ce que croit et de quelle foi est imbu celui qui reçoit le sacrement s. Sans doute cette question importe beaucoup quant à l’obtention du salut, mais elle est entièrement étrangère à l’essence même du sacrement. En effet, il peut arriver qu’un homme possède le baptême dans toute son intégrité, et qu’en même temps sa foi soit pervertie; de même il peut se faire qu’il retienne intégralement les paroles du Symbole, et cependant qu’il n’ait pas la foi convenable soit quant à la Trinité, soit quant à la résurrection, soit pour tout autre point. D’ailleurs, c’est une chose des plus importantes, même de la part des catholiques, de posséder la foi dans toute son intégrité, de telle sorte que la foi soit absolument conforme à ce que nous enseigne la vérité par rapport à Dieu, et non point par rapport à telle ou telle créature. Supposé que tel homme, baptisé dans le sein de l’Eglise catholique, s’aperçoive, à la suite de lectures faites, d’instructions entendues, ou de discussions engagées, voire même de certaines révélations surnaturelles, que la foi qu’il avait antérieurement n’était pas la foi légitime, est-ce que ce serait un motif suffisant pour lui réitérer le baptême?
Qu’il s’agisse au contraire de l’homme charnel et animal, ne le voit-on pas s’égarer dans les rêves de son coeur, se former un Dieu selon le gré de son sens charnel, et se faire une divinité aussi différente de la divinité véritable, que la vanité est distante de la vérité? L’Apôtre, tout rempli de la lumière surnaturelle, a prononcé cette sentence infaillible : « L’homme animal ne perçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu (I Cor., II, 14) ». Et pourtant il entendait parler de ceux-là mêmes qui avaient reçu le baptême.
En effet, c’est à eux qu’il disait : «Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous? est-ce au nom
« de Paul que vous avez été baptisés (Id., I, 13.)? » Ces hommes possédaient le baptême véritable, et cependant, aveuglés comme ils étaient, par les instincts charnels, quelles idées pouvaient-ils se faire de Dieu, sinon des idées charnelles, inspirées par le sens de la chair selon lequel «l’homme animal ne perçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu? » C’est à ces hommes qu’il disait encore : « Je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais seulement comme à des hommes charnels. Vous regardant comme de petits enfants en Jésus-Christ, je ne vous ai nourris que de lait et non pas de viandes solides, parce que vous n’étiez pas encore capables de les supporter; à présent même vous ne l’êtes pas encore, parce que vous êtes encore charnels (Id., III, 1,2.) ». Ce sont de tels hommes qu’il nous représente comme emportés à tout vent de doctrine « Afin », dit-il « , que nous ne soyons plus des enfants, inconstants et emportés à tout vent de doctrine (Eph., IV, 14.) ». Admettons que ces hommes arrivent enfin jusqu’à l’âge spirituel de l’homme intérieur, et qu’heureusement éclairés ils reconnaissent qu’ils avaient de Dieu des idées toutes charnelles, bien différentes de celles qu’ils auraient dû avoir; serait-ce un motif suffisant pour leur réitérer le baptême?
Il peut également arriver qu’un livre hérétique tombe entre les mains d’un catéchumène catholique, qui par ignorance ne pourra discerner l’erreur de la vérité et admettra telle croyance défendue par la foi catholique. Le danger d’ailleurs est d’autant plus probable qu’il ne verra pas de contradiction formelle entre cette erreur et les fermes du Symbole, car n’a-t-on pas vu, sous le voile de ces termes, se glisser la plupart des erreurs professées par les hérétiques? Le voilà donc persuadé que ce livre a pour auteur quelque grand docteur catholique; il accepte les erreurs qu’il renferme, et reçoit le baptême dans l’Eglise catholique; mais plus tard un examen sérieux lui apprend ce qu’il aurait dû Croire; il rejette son erreur et s’attache exclusivement à la foi catholique. Supposé donc qu’il confesse son état, serait-ce un motif suffisant pour lui réitérer le baptême? Ou bien, si avant de s’instruire et d’avouer ce qui s’est passé dans son âme, il est surpris dans l’erreur; si on lui montre ce qu’il doit rejeter et ce qu’il doit croire; enfin, s’il devient manifeste qu’au moment de son baptême sa foi était fausse et erronée, devra-t-on pour cela lui réitérer le baptême? Non, sans doute. Pourquoi donc? Parce que cette sainteté du sacrement consacrée par les paroles évangéliques, demeurait en lui dans toute son intégrité, telle qu’il l’avait reçue; ce qui n’avait pas empêché, par suite de la vanité de son esprit charnel, qu’au moment de son baptême il avait une foi toute différente de celle qu’il aurait dû avoir.
Il est donc évident qu’à une foi incomplète et fausse peut s’allier le sacrement de baptême dans toute son intégrité. Par conséquent, toutes les variations que l’on rencontre parmi les hérétiques ne touchent nullement à la question qui nous occupe. On doit corriger dans chaque homme ce qui paraît dépravé aux yeux de celui qui est appelé à infliger la correction. Ce que l’on doit guérir, c’est ce qui est malade; ce que l’on doit donner, c’est ce que le sujet n’a pas encore, et surtout la charité de la paix, sans laquelle les autres biens deviennent absolument inutiles. Pourtant, lorsque ces biens existent, on ne doit pas les donner de nouveau comme s’ils n’existaient pas; pour les rendre féconds et les empêcher d’être nuisibles, il faut de toute nécessité recourir au lien de la paix et à l’excellence de la charité.