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Mais je crois utile d’examiner sérieusement ce passage de la lettre de Cyprien à Magnus. En voici l’enchaînement : « Qu’il soit regardé comme n’habitant pas dans la maison du Seigneur, c’est-à-dire dans l’Eglise de Jésus-Christ, dans laquelle n’habitent que ceux qui aiment la concorde et la paix, selon cette « parole du Saint-Esprit dans les psaumes: Dieu qui fait habiter dans sa maison ceux qui « n’ont entre eux qu’un seul coeur et qu’une seule âme (Ps., LXVII, 7 ) . D’ailleurs les sacrifices mêmes du Seigneur nous font connaître clairement que le caractère propre des chrétiens, c’est l’unanimité, l’union la plus intime dans une charité ferme et inséparable. Ainsi Jésus-Christ donne à son corps le nom de pain (Jean, VI, 52 ), pour nous montrer que si le pain est formé du mélange d’un grand nombre de grains, le peuple chrétien ne doit former qu’un seul peuple parfaitement uni, malgré la multiplicité de ses membres. De même le Sauveur donne à son sang le nom de vin (Matt., XXVI, 26-29), pour nous montrer que si le vin est formé par le jus d’un grand nombre de raisins, la société chrétienne est également formée par l’union d’une multitude d’hommes en un seul et même troupeau ».
Ces paroles de Cyprien nous prouvent qu’il a compris et aimé la splendeur de la maison de Dieu, maison exclusivement formée de ceux qui aiment la concorde et la paix, comme le prouvent les oracles des Prophètes, et la signification symbolique des sacrements. Or, dans cette demeure n’habitaient pas ces ministres jaloux, ces malveillants sans charité, qui cependant conféraient le baptême. Il suit de là que le sacrement de Jésus-Christ peut être possédé et conféré par ceux mêmes qui ne sont pas dans l’Eglise de Jésus-Christ, car il n’y a pour l’habiter, dit saint Cyprien, que ceux qui aiment la paix et la concorde. En vain l’on dirait que les pécheurs peuvent baptiser lorsque leurs crimes restent secrets; saint Paul ne connaissait-il pas les crimes de ceux qu’il signale avec tant d’énergie dans son épître? et cependant il proclame qu’il éprouve une grande joie parce qu’il apprend que Jésus-Christ est annoncé, ne fût-ce que par de semblables ministres. « Pourvu », dit-il, « que Jésus-Christ soit annoncé de quelque manière que ce soit, par occasion ou par un vrai zèle, je m’en réjouis et m’en réjouirai toujours (Philipp., I, 18 ).