19.
Il serait bien difficile de dire ce qui serait le plus pernicieux pour un homme, ou d’être absolument privé du baptême, ou de le recevoir deux fois. Je sais bien pour laquelle de ces deux alternatives les hommes éprouvent le plus de crainte et d’horreur ; cependant, si je ne considère que cette balance du Seigneur dans laquelle la valeur des choses est appréciée, non pas d’après les jugements humains, mais selon l’autorité divine, je trouve que le Seigneur a hautement formulé sa pensée sur ce double sujet. En effet, il dit à Pierre : « Celui qui est lavé n’a pas besoin de se laver de nouveau (Jean, XIII, 10) » ; et à Nicodème «Si quelqu’un ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit, il n’entrera pas dans le royaume des cieux (Id., III, 5)». S’il s’agit de scruter les plus secrètes pensées de Dieu, nous, pauvres humains, nous devons avouer notre impuissance; toutefois, à s’en tenir simplement aux paroles, il est facile de comprendre la différence qui se trouve entre ces deux manières de s’exprimer : « Il n’a pas besoin de se laver de nouveau »; et : «Il n’entrera pas dans le royaume des cieux ». Or, l’Eglise admet en principe que celui qui n’a pas reçu le baptême ne saurait être admis à l’autel ; d’un autre côté, puisqu’elle exige que celui qui a reçu le baptême une seconde fois fasse une pénitence suffisante avant d’être admis à l’autel, ne prouve-t-elle pas qu’elle reconnaît en lui l’existence du baptême? Si donc Cyprien, par respect pour le lien de l’unité, admettait que l’on pût recevoir au pardon ceux-là mêmes dont il croyait le baptême invalide; dira-t-on que Dieu n’a pas le pouvoir, par ce même lien de l’unité et de la paix, de pardonner à ceux qui ont été rebaptisés, de s’adoucir à leur égard par la vertu et l’efficacité de cette paix, et de faire condonation de toutes les fautes commises dans le sein de l’erreur, à tous ceux qui offrent le sacrifice de cette charité qui couvre la multitude des péchés? De cette manière, il ne considère plus le nombre de ceux qui ont été blessés par leur schisme, mais la multitude de ceux pour qui leur retour a été une cause de délivrance. En effet, grâce à l’efficacité de ce lien de la paix Cyprien a cru que ceux qu’il regardait comme ayant été admis dans l’Eglise sans baptême, pouvaient par la miséricorde de Dieu ne pas être exclus des munificences de l’Eglise; or, c’est dans l’efficacité de ce même lien de la paix, que mériteront toujours, par la même miséricorde de Dieu, le pardon de leurs péchés, ceux qui auraient le malheur de se soumettre à la réitération du baptême