XXIII.
Pour vous soustraire à cette conclusion rigoureuse, je prévois que vous allez me répondre que ni les Juifs, ni le Sauveur n'ont fait aucun usage de la dialectique. J'y consens; mais alors si la dialectique n'entre pour rien ni dans les raisonnements de ceux qui usaient aussi largement de séduction et de ruse pour tromper leurs interlocuteurs, ni dans les réponses de ceux qui les ont manifestement convaincus de mensonge, dites-nous donc ce que c'est que la dialectique ; apprenez-nous ce qu'elle peut faire de mal, quelle horreur, elle doit nous inspirer: Puisque vous jetez, son nom comme un épouvantail aux yeux des ignorants, prouvez à ceux qui désirent le savoir, qu’elle est véritablement criminelle.
Vous refusez de voir de la dialectique dans les paroles de celui dont les questions droites et habiles ont suffi pour ramener à la vérité les hommes, qui lui étaient le plus hostiles ; je comprends ce refus sans lequel il vous faudrait avouer que la dialectique a joué un grand rôle dans les relations de Jésus-Christ avec les Juifs. D'un autre côté, vous ne voulez pas que la dialectique soit entrée pour quoi que ce soit dans les questions insidieuses à l'aide desquelles les Juifs se proposaient de renverser la doctrine du Sauveur; je comprends votre tactique, car vous avez besoin de montrer qu'en s'entretenant avec les Juifs, Jésus-Christ ne pouvait les considérer comme des dialecticiens; autrement vous ne pourriez plus justifier vos évêques qui sont pour vous des types de science et de sagesse, dans le refus qu'ils opposent de s'entretenir avec des dialecticiens, lors même qu'ils espéreraient procurer le triomphe de la vérité. Je n'en doute point; vous éprouvez de cruelles angoisses, quand vous entreprenez de définir un dialecticien ; dire que c'est un habile discuteur, ce serait vous mettre dans la nécessité de louer ce que vous avez méprisé ; si vous dites que c'est un séducteur en paroles, vous craignez qu'on ne vous réplique que le chrétien doit néanmoins conférer avec lui comme Jésus-Christ a conféré avec ses adversaires. Le seul moyen de vous tirer d'embarras serait de définir le dialecticien en: disant que c'est celui avec lequel les plus habiles Donatistes refusent de discuter. Quel autre moyen de salut peut-on vous proposer quand ou vous entend-nous faire un crime de notre dialectique et soutenir que vos évêques sont d'autant plus dignes d'éloge qu'ils refusent de conférer avec nous ?