XXXVIII.
Il est vrai que les Juifs ne placent pas le livre des Macchabées au rang des livres canoniques, comme la loi, les Prophètes et les Psaumes, auxquels le Sauveur a rendu témoignage d'une manière explicite, quand il a dit : « Il fallait que fût accompli tout ce qui a été écrit de moi dans la loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes1». Cependant, ce même livre des Macchabées a été reçu dans le canon de l'Eglise et pour l'utilité des chrétiens, pourvu que la prudence en dirige la lecture ou l'interprétation; on peut surtout méditer avec fruit l'exemple de ces Macchabées, qui ont préféré souffrir toutes les horreurs du martyre, plutôt que d'apostasier la loi du Seigneur. Le peuple chrétien peut y trouver la preuve que les souffrances de cette vie ne sont rien en comparaison de la gloire future qui attend au ciel ceux qui sauront s'appliquer les souffrances infinies du Sauveur; comment en douter, quand on voit des hommes, pour qui Jésus-Christ n'était point encore descendu sur la terre, souffrir les plus grandes douleurs en faveur d'une loi que Dieu leur avait donnée par l'organe de son serviteur? L'histoire même de Razias ne peut que profiter au lecteur, non-seulement en ce sens qu'elle exige et développe la rectitude du jugement, mais surtout parce que le coeur humain, et spécialement le coeur d'un chrétien, peut juger de tout ce qu'une charité ardente peut souffrir de la part de ses ennemis, quand on voit ce vieillard se livrer à un tel héroïsme de souffrances par la seule crainte de l'humiliation. Or, l'ardeur de la charité est descendue en nous des hauteurs de la grâce divine, tandis que la crainte de l'humiliation a pour principe l'amour de la louange; il suit de là que, dans le premier cas, on combat par la patience, tandis que dans le second on pèche par impatience. Quand donc nous voyons l'Écriture faire l'éloge de certains hommes,. nous ne devons pas tout d'abord y donner une approbation aveugle, mais user de discernement et nous en rapporter, non pas à notre propre jugement, mais à l'autorité des divines Écritures. En effet, de ce que tel homme soit loué, nous ne devons pas toujours en conclure que nous pouvons tout imiter ou tout louer en lui, car il peut se faire que telle de ses actions ne soit pas bonne ou qu'elle ne convienne plus au temps présent. Quant aux actions qui pouvaient être bonnes, mais qui ont cessé de l'être à raison des circonstances, il est inutile de nous y arrêter davantage, car il ne s'agit entre nous que du suicide, et même du suicide commis par un homme à qui l'on permet, ou plutôt à qui fon commande de conserver son existence; or, le suicide a toujours été rangé parmi les actions qui ne peuvent et n'ont jamais pu être regardées comme bonnes ; nous l'avons suffisamment démontré.
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Luc, XXIV, 44. ↩