8.
Mais, me demande-t-on (c'est la seconde question que j'ai posée moi-même), si, de fait, il existe un homme sans péché? Non, je ne le crois pas, car je crois plutôt à l'Ecriture qui dit : « N'entrez pas en jugement avec votre serviteur, ô mon Dieu, parce que aucun homme vivant ne sera justifié devant vous1 ». Toujours donc nous avons besoin de cette miséricorde de Dieu qui l'emporte sur sa justice, mais quine sera point accordée à celui qui n'aura pas fait miséricorde2. Remarquez encore cette première parole du Prophète : « J'ai dit : je déclarerai contre moi mon péché devant le Seigneur ! et vous m'avez remis, ô mon Dieu, l'impiété de mon coeur ». Une seconde parole suit immédiatement : « Et c'est pour une grâce pareille que tous les saints vous prieront en temps opportun3 ». On le voit : le Prophète ne dit pas: Tous les pécheurs, mais : « Tous les saints ». Car voici ailleurs l'aveu des saints eux-mêmes : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous4 ». Aussi bien, le même apôtre saint Jean nous parle dans l'Apocalypse de ces « cent quarante quatre mille saints qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont demeurés vierges; et sur la bouche desquels le mensonge ne s'est point rencontré, parce qu'ils sont sans reproche5 » ; c'est que, en effet, s'ils sont sans reproche, c'est parce qu'ils se sont fait à eux-mêmes un reproche légitime ; le mensonge ne s'est point trouvé sur leurs lèvres, parce que, s'ils s'étaient prétendus exempts de péché, ils se seraient abusés, et la vérité n'eût point été chez eux. Oui, il y aurait eu mensonge dès que la vérité eût été blessée : or, le juste, dès le premier mot qu'il prononce, commence par s'accuser lui-même ; et en ce point, certes, il n'est pas menteur6.