20.
Encore est-il vrai que ce long passage de l'épître aux Corinthiens, où se trouve longuement traité le sujet de la résurrection, se termine par une conclusion qui ne permet pas de douter que la mort même du corps soit arrivée par le triste mérite du péché. L'Apôtre avait dit : « Il faut que cette chair corruptible revête l'incorruptibilité, et cette chair mortelle, l'immortalité. Et quand le corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et le mortel l'immortalité, — alors, c'est lui qui continue, — alors s'accomplira cette parole de l'Écriture : La mort est absorbée dans sa victoire. O mort ! où est ta victoire ? O mort ! « où est ton aiguillon ? » Enfin il ajoute : « L'aiguillon de la mort, c'est le péché; et la loi est la force du péché1 ».
On le voit, et ce sont les paroles si évidentes même de l'Apôtre qui le déclarent: la mort sera absorbée dans sa victoire par le seul fait que notre élément corruptible et mortel revêtira l'incorruptibilité et l'immortalité; entendez encore par le seul fait que Dieu rendra la vie à nos corps mortels eux-mêmes à cause de son esprit qui habite en nous; d'où il est clair que cette mort de notre corps, qui est exactement le contraire de notre résurrection corporelle, a eu pour aiguillon le péché. D'autre part, cet aiguillon a produit la mort, et non pas réciproquement; car nous mourons par le péché, mais nous ne péchons pas en subissant la mort. « L'aiguillon de la mort » est donc, dans l'Écriture, une expression semblable à celle de l'arbre de vie, qui n'a pas été fait non plus par la vie de l'homme, mais qui devait faire la vie en l'homme; c'est encore un terme comme l'arbre de la science, qui n'est pas davantage l'oeuvre de la science humaine, mais qui devait créer la science en l'homme. Par la même raison l'aiguillon de la mort n'est point fait par la mort, mais il donne la mort. Dans le même sens nous appelons un breuvage de mort celui qui a tué ou qui pouvait tuer un homme, et non pas celui qu'aura fabriqué celui qui en meurt ou qui en est mort; concluons: L'aiguillon de la mort, c'est le péché dont la piqûre a tué le genre humain.
Maintenant, pourquoi demander encore de quelle mort il s'agit ici? Est-ce de celle du corps ou de celle de l'âme? Est-ce de la première qui nous moissonne tous aujourd'hui, ou de la seconde, dont alors seront frappés les impies? Il n'y a plus lieu à soulever de question; il n'y a point de place à l'équivoque; interrogez les paroles mêmes où l'Apôtre a parlé de cet aiguillon; elles-mêmes vous répondent. « Quand ce corps mortel », nous dit-il, « aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira cette parole de l'Écriture: La mort a été ensevelie dans sa victoire. O mort ! où est ta victoire? O mort ! où est ton aiguillon? Or, l'aiguillon de la mort, c'est le péché; et la force du péché, c'est la loi ».
Il traitait de la résurrection du corps, laquelle doit absorber la mort dans sa victoire, après que notre élément mortel aura revêtu l'immortalité. Alors c'est à la mort même que s'adressera notre apostrophe, puisque par la résurrection du corps elle sera ensevelie dans sa victoire. C'est à elle qu'alors on dira : « O mort ! où est ta victoire ? O mort ! où est ton aiguillon? » Oui, c'est à la mort corporelle que s'adresseront ces paroles. Car elle sera ensevelie par l'immortalité victorieuse, à cette heure où notre corps mortel revêtira l'immortalité. A cette mort corporelle, je le répète, on dira : « Où est ta victoire ? » si universelle, pourtant, que tu avais vaincu tous les hommes, à ce point que le Fils même de Dieu dut te livrer bataille, et triompher de toi non pas en t'évitant, mais en t'acceptant? Tu as vaincu dans notre trépas, tu es vaincue par notre résurrection. Ta victoire a dévoré et absorbé notre corps mortel, mais elle n'a eu qu'un temps; notre victoire vient t'absorber toi-même dans notre corps ressuscité, et c'est un triomphe éternel. « Où est ton aiguillon ? » c'est-à-dire, où est le péché dont le dard nous a frappés et empoisonnés, à ce point que désormais tu fus attachée à notre corps comme à une proie, dont tu disposas pendant un temps si long ? « Or, l'aiguillon de la mort, c'est le péché; et la loi est la forée du péché ». En effet, nous avons tous péché en un seul, de sorte qu'en un seul nous devons tous mourir; et nous avons reçu la loi sans mettre un terme à nos péchés en nous corrigeant, mais en les augmentant même par nos transgressions. « Car la loi est survenue et le péché a surabondé; et l'Ecriture a tout enfermé sous cet empire du péché. Mais remercions Dieu qui nous a donné la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur2 ; de sorte que là où le péché avait abondé, la grâce surabondât à son tour3 ; et que la promesse divine fût faite et donnée à tous les croyants, par la foi de Jésus-Christ4 ». Dès lors nous avons pu vaincre la mort par une résurrection qui nous donne l'immortalité, comme aussi l'aiguillon de la mort, le péché même, par une justification que Dieu nous accorde gratuitement.