31.
Vous revenez ensuite, je ne sais pour quel motif, à l'exemple d'Abraham et de Sara, sur lequel je crois m'être suffisamment expliqué. Sans doute qu'en en parlant la première fois vous aviez oublié quelque chose dont vous ne voulez pas nous priver. Il n'y a rien là que de très-ordinaire; voyons donc ce que vous en dites : «Le fait d'Abraham et de Sara », dites-vous, «n'était que la prophétie de ce qui se réalise aujourd'hui en Afrique; pour cette femme belle et sainte, et qui était la figure de l'Eglise, il était également dangereux d'être épouse ou vierge ; et si elle resta intacte, ce ne fut que par l'intervention directo de Dieu ». Comme ce serait en vain que je m'attacherais à relever chacune de vos paroles, j'arrive à l'interpellation que vous adressez à votre correspondant : «Tarbantius, bienheureux frère et collègue bien-aimé », dites-vous, «demandons à Dieu qu'il déploie également aujourd'hui sa toute-puissance, et qu'il arrache l'Eglise catholique, l'épouse de son Fils, toute brillante de maturité, de fécondité, de chasteté et de gloire, à toutes les hontes dont la haine des Manichéens voudrait la couvrir en Afrique, et de l'Afrique dans le monde tout entier ». Cette prière sied mal sur vos lèvres, c'est plutôt à nous de l'adresser à Dieu contre les Manichéens, les Donatistes, les autres hérétiques, et en général contre tous ceux qui, en Afrique, se posent en ennemis du nom chrétien et catholique. Quant à vous, qui, malgré la distance qui nous sépare, êtes pour nous une peste dont le Christ Sauveur peut seul nous délivrer, est-ce que c'est votre mort que nous demandons du sein de l'Afrique, parce que nous vous opposons le martyr Cyprien comme témoin irrécusable qui vous prouve que c'est nous qui soutenons et défendons la foi catholique contre la vaine et profane nouveauté de votre erreur ? O honte ! A l'Eglise africaine vos prières ont-elles fait défaut, quand le bienheureux Cyprien prêchait les dogmes que vous attaquez ; quand il s'écriait : «Bien moins encore doit-on repousser du baptême l'enfant nouveau-né qui sans doute n'a pas encore commis de péché personnel, mais qui, par le fait même de sa naissance, a contracté la contagion de la mort antique, et a besoin d'obtenir la rémission, non pas des péchés personnels, mais des péchés d'autrui1 ? » Ainsi parlait Cyprien, redisant ce qu'il avait appris; lui-même, et quand il prêchait cette vérité, l'Eglise se trouvait privée du secours de vos prières; personne ne demandait à Dieu que Sara fût conservée intacte dans l'Afrique, que la beauté de l'Eglise fût soustraite à toutes les hontes dont voulaient la couvrir ces Manichéens qui, à vous en croire, avaient déjà séduit Cyprien avant même que le nom de Manès eût retenti parmi les Romains, N'ayant à nous opposer aucune objection sérieuse, voyez à quelle erreur monstrueuse vous avez recours contre l'antiquité de la foi catholique.
Epît. LXIV, à Fidus. ↩
