50.
Armé de votre continence vous vous flattez de soutenir de glorieux combats ; et contre quoi donc, je vous prie ? N'est-ce pas contre la concupiscence de la chair ? Mais est-elle votre alliée, ou est-elle votre ennemie? Ne me répondrez-vous pas qu'elle est votre adversaire? « Car la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair; ce sont là deux adversaires», dit l'apôtre saint Paul1. Si la lutte que vous soutenez contre elle est sérieuse, les éloges que vous lui prodiguez peuvent-ils l'être? Je ne vois pas que l'on puisse allier sincèrement ces deux choses contradictoires : louer la concupiscence comme amie, et la combattre comme ennemie. Il nous faut l'un ou l'autre, mais lequel des deux voulez-vous que nous choisissions? Si vous combattez franchement, ce n'est pas franchement que vous louez. Au contraire, si vos éloges sont sincères, votre combat n'est plus qu'un jeu. Je ne suis pas votre ennemi, comme l'est de votre âme ce mal qui habite dans votre chair, et dont je voudrais vous voir triompher par une saine doctrine et par une sainteté véritable ; cependant si j'étais condamné à vous voir feindre sur un point et agir franchement sur l'autre, je préférerais que la concupiscence fût en vous l'objet d'une fausse louange, plutôt que d'un combat simulé. Le mensonge dans les paroles se tolère plus facilement que le mensonge dans les oeuvres; feindre sur une proposition, c'est quelque chose, mais feindre la continence ne serait plus tolérable. En louant la concupiscence, vous vous posez en adversaire de ma doctrine, mais cette louange n'est qu'une feinte, si vous ne simulez pas la chasteté qui vous constitue l'adversaire de votre concupiscence. Si donc c'est sincèrement que vous faites la guerre à la passion, vous cesserez à l'instant de vous poser mon adversaire dans vos paroles. Du reste, que vous feigniez sur un point ou sur les deux à la fois, car la simulation vous est absolument nécessaire, soit que vous combattiez ce que vous louez, soit que vous approuviez ce que vous combattez, toujours est-il qu'adoptant l'interprétation la plus favorable je me regarderai comme ayant affaire avec un adversaire de la concupiscence, J'affirme donc que le mariage est bon, et que les époux chastes font un bon usage du anal, tandis que vous prétendez que c'est du bien qu'ils font un bon usage, puisque vous appelez bien la concupiscence de la chair, quoiqu'en la combattant vous la regardiez comme un mal. J'ai montré précédemment comment les époux luttent contre elle, tout en en faisant un bon usage.
Gal. V, 17. ↩
