18.
Quant à ces paroles de l'Apôtre : « Pour se préparer au combat les athlètes gardent ci en toute chose une exacte tempérance1 »; vous les dénaturez jusqu'au point de soutenir que cette grande vertu de continence dont il est dit que personne ne la possède, à moins qu'il ne l'ait reçue de Dieu2, se rencontre jusque dans les saltimbanques, et autres personnes de profession aussi infâmes. Il est vrai que, pour se préparer au combat, ils observent en tout une exacte tempérance; mais se privent-ils également d'une vaine cupidité N'est-ce pas cette cupidité vaine, et par là même dépravée, qui triomphe en eux, et enchaîne momentanément les autres passions également dépravées ; et n'est-ce pas pour ce seul motif qu'on les gratifie de la continence? La plus grande injure que vous puissiez faire aux Scipion, dont vous avez si pompeusement vanté la continence, n'était-ce pas d'attribuer cette continence aux histrions eux-mêmes? Vous feignez d'ignorer que, pour exhorter plus puissamment les hommes à la vertu, l'Apôtre leur proposait pour exemple les passions les plus criminelles des hommes; c'est ainsi que la sainte Ecriture , dans un autre passage, pour inspirer aux hommes l'amour de la sagesse, leur dit de la chercher comme on cherche l'argent3. En concluez-vous que l'Ecriture a fait l'éloge de l'avarice ? Nous savons tous à quels travaux et à quelles souffrances se condamnent les amateurs de la richesse, de quelles satisfactions ils savent se priver, soit pour augmenter leur capital, soit dans la crainte de le diminuer ; quelle. sagacité et quelle prudence ils déploient pour obtenir des bénéfices, ou pour éviter des pertes ; comme ils s'abstiennent de léser les droits du prochain et quelquefois même de revendiquer les leurs, dans la crainte de perdre encore davantage dans des discussions et des procès. Quoi de plus naturel que de nous proposer cet amour de l'argent comme modèle de l'amour que nous devons avoir pour la sagesse? Désirons avidement en acquérir un immense trésor, augmentons-le sans cesse ; ne souffrons pas qu'il diminue, et pour cela faisons tous les sacrifices nécessaires, enchaînons nos passions, ne perdons pas de vue l'avenir, et conservons notre innocence et notre bienfaisance. En agissant ainsi, nous faisons preuve des vertus véritables, car c'est le Dieu véritable qui est le but de nos rouvres, c'est-à-dire que ces œuvres revêtent un caractère de conformité avec le salut et l'éternelle félicité.
