47.
Vous m'accusez d'avoir dit dans lin autre de mes livres : « Faire l'éloge de la grâce, c'est nier le libre arbitre ; et faire l'éloge du libre arbitre, c'est nier la grâce ». C'est là une calomnie ; ce ne sont pas là les termes dont je me suis servi, car pour mieux faire sentir la difficulté de la question, je m'étais contenté de dire qu'en faisant l'éloge de l'un, on pourrait paraître nier l'autre. Le moins que je puisse faire, c'est de citer moi-même mes propres paroles, afin que le lecteur puisse juger par lui-même du soin que vous prenez de dénaturer mes écrits, de surprendre la crédulité des simples et des ignorants, et de leur persuader que vous me réfutez par cela seul que vous ne voulez pas garder le silence. Vers la fin d'un premier livre adressé à saint Pinianus, et ayant pour titre : De la grâce contre Pélage, je m'exprimais en ces termes : « Cette question du libre arbitre et de la grâce de Dieu est tellement difficile à résoudre, qu'il suffit de louer le libre arbitre pour paraître nier la grâce de Dieu ; comme il suffit d'affirmer la grâce de Dieu, pour paraître nier le libre arbitre, et le reste1 ». Mais, dans votre amour pour la probité et la véracité, vous changez les termes dont je me suis servi pour y en substituer d'autres de votre invention. J'ai dit de cette question qu'elle est très- difficile, mais non lias que la solution en fût impossible. Bien moins encore, n'ai-je pas dit ce que vous me prêtez gratuitement, « que louer la grâce, c'est nier le libre arbitre, et que louer le libre arbitre, c'est nier la grâce». Citez mes paroles dans leur intégrité, et votre calomnie n'aura plus l'ombre même d'un prétexte. Remettez en leur lieu et place ces expressions: « Pour paraître; pour sembler », et l'on verra clairement de quelles fourberies vous voudriez couvrir cette importante question. Je n'ai pas dit : « C'est nier la grâce » ; mais : « C'est paraître nier la grâce». Je n'ai pas dit: « C'est nier le libre arbitre » ; mais : « C'est sembler le nier ». Vous terminez en promettant, « lorsque ces livres commenceront à se répandre, de mettre à nu et de stigmatiser, comme elle le mérite, l'impiété de ma doctrine ». Comment ne pas appeler de tous ses voeux la sagesse du dissertateur, quand on a les preuves les plus évidentes de la probité du menteur ?
De la Grâce de Jésus-Christ, n. 52. ↩
