11.
Vous soutenez précisément l'opinion contraire, et vous pensez la question résolue, parce que l'Apôtre affirme que ces païens ont été livrés aux désirs de leur coeur. «Ils étaient dévorés », dites-vous, « par les désirs criminels ». Vous ajoutez : «Or, comment peut-on supposer qu'ils sont tombés dans cet abîme par la puissance de Dieu, les abandonnant à eux-mêmes ? » Qu'ont ils fait de plus, je vous demande, ou pourquoi ces paroles: « Dieu les livra aux désirs de leur cœur », s'ils étaient déjà possédés par ces mêmes désirs ? Parce qu'un homme éprouve de mauvais désirs dans son coeur, s'ensuit-il qu'il consent à ces désirs pour commettre le mal ? Autre chose est d'avoir de mauvais désirs, autre chose de s'y abandonner; c'est quand on y consent qu'on en est possédé, et ceci n'arrive que quand, dans sa justice, Dieu nous y abandonne. Autrement, que signe fierait cette parole : « Ne suivez pas votre concupiscence ? » Est-on coupable, précisé ment parce qu'on ressent en soi-même le tumulte et l'entraînement des désirs, alors les même qu'on refuse de les suivre et de s'y abandonner, alors même surtout que, pour conserver la grâce, on livre à ces désirs glorieux combats? Celui qui est assez malheureux pour réaliser cette parole : «Si vous vous abandonnez à vos concupiscences, c'est-à-dire à vos mauvais désirs, «vous comblerez de joie vos ennemis et vos envieux1» ; celui-là est-il déjà coupable, par cela seul qu'il éprouve ces désirs auxquels il ne doit point consentir, s'il ne veut pas combler de joie le démon et ses anges, qui sont nos ennemis et nos envieux ?
Eccli. XVIII, 30, 31. ↩
