4.
Et d'abord saisissez dans son ensemble le point de vue sous lequel je veux traiter la première partie. Quant à l'intention qui a dicté le petit ouvrage auquel vous vous vantez d'avoir répondu par quatre grands livres, toute la question qui s'agite entre nous est de savoir si j'ai tort ou raison de soutenir que le mariage est bon et légitime en lui-même, et qu'on ne saurait le rendre responsable du péché originel que tous les hommes apportent en naissant, par suite du péché du premier homme. Nier cette vérité, c'est saper par sa base tout l'édifice de la foi chrétienne, et c'est pour le démontrer que j'ai composé mon livre sur le mariage et la concupiscence, afin d'établir une distinction essentielle entre le bien même du mariage et le mal d'où procède le péché originel. De votre côté, vous soutenez que le mariage doit être intrinsèquement condamné, à moins que le fruit qui en sort ne soit entièrement exempt de péché: telle est la proposition dont le développement constitue ces quatre livres que vous offrez comme une victorieuse réfutation du mien. Pour mieux détourner les hommes de l'inébranlable foi catholique, et leur faire embrasser votre nouvelle hérésie, vous posez sans cesse devant les yeux de vos lecteurs le spectre hideux du manichéisme, comme si vraiment on affirmait avec les Manichéens que la nature est intrinsèquement mauvaise, quand on affirme que les enfants nés charnellement du premier homme, reçoivent de lui la contagion de la mort antique, et ont besoin d'une seconde naissance, pour obtenir, dans le bain de la régénération, la rémission du péché originel, l'adoption des enfants de Dieu et des droits à la possession du royaume éternel. Le nom et le crime des Manichéens n'étaient-ils pas également invoqués par Jovinien, quand il affirmait de Marie qu'elle avait conçu dans la virginité le Verbe fait chair, mais qu'elle avait perdu cette virginité en enfantant le Sauveur? Il en concluait que si nous admettons l'incorruptible virginité de la mère au moment même de l'enfantement, c'est parce que, nouveaux Manichéens, nous ne voyons en Jésus-Christ qu'un être fantastique. Or, sous l'inspiration de la grâce du Sauveur, les catholiques ont toujours méprisé cette argumentation si habilement conçue par Jovinien ; ils ont toujours cru que Marie n'a point perdu sa virginité par l'enfantement, que Jésus-Christ n'est point un fantôme, que Marie est restée Vierge après l'enfantement, et que le corps de Jésus-Christ, formé dans son sein, était un corps véritable. Ils feront de même à votre égard ; ils mépriseront vos raisonnements aussi vains que calomnieux ; jamais ils n'admettront avec les Manichéens la coexistence éternelle d'un principe mauvais, et s'attachant à l'antique et véritable foi catholique, ils croiront sans hésiter que Jésus-Christ a déchiré dans sa personne l'arrêt de condamnation, que la faute paternelle faisait peser sur le genre humain, et qu'il est le Sauveur de tous, même des enfants.
