9.
Nos adversaires soutiennent qu'on ne peut pas dire de cette foi : « Qu'avez-vous que vous ne l'ayez reçu? » parce que, selon eux, la nature humaine, quoique corrompue, a gardé cette puissance de croire comme un reste de l'état parfait dans lequel elle a été créée1. Or, on voit que leur raisonnement pèche par sa base, dès que l'on cherche la pensée qui inspirait saint Paul. Son but était d'empêcher l'homme de se glorifier eu lui même. En effet, des dissensions s'étaient élevées entre les chrétiens de Corinthe, et l'on entendait chacun d'eux s'écrier : « Pour moi je suis à Paul. et moi je suis à Apollo, et moi je suis à Cépha2 ». De là cette réponse de l'Apôtre : « Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages; il a choisi les faibles selon le monde pour confondre les puissants; et il a choisi les plus vils et les plus méprisables selon le monde, et ce qui n'était rien, pour détruire ce qu'il y a de plus grand, afin qu'aucun ne se glorifiât devant Dieu ».Ce langage prouve clairement de la part de l'Apôtre l'intention d'humilier l'orgueil de l'homme, qui voudrait se glorifier en lui même ou dans ses semblables. Paul avait dit : « Afin qu'aucun homme ne se glorifiât devant Dieu » ; voulant nous montrer ensuite Celui en qui seul nous pouvons nous glorifier, il ajoute aussi tôt : « C'est par cette voie que vous êtes établis en Jésus-Christ, qui nous a été donné de Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, afin que, selon la parole de l’Ecriture, celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur ».
Plus loin le même Apôtre formule toute sa pensée dans les paroles suivantes : « Vous êtes encore charnels , car puisqu'il y a parmi vous des jalousies, des disputes, n'est-il pas visible que vous êtes charnels et que vous vous conduisez selon l'homme?
En effet, puisque l'un dit : Je suis à Paul ; et l'autre : Je suis à Apollo , n'êtes-vous pas charnels encore? Qu'est donc Paul, et qu'est Apollo ? Ils sont les ministres de Celui en qui vous avez cru, chacun selon le don qu'il a reçu du Seigneur. C'est moi qui ai planté, c'est Apollo qui a arrosé, mais c'est Dieu qui a donné l'accroissement. C'est pourquoi celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien, mais tout vient de Dieu qui donne l'accroissement ». Ne comprenez-vous pas que le but de l'Apôtre c'est d'humilier l'homme et de tout rapporter à Dieu seul? Il proclame que celui qui plante et celui qui arrose ne sont rien, et que tout vient de Dieu qui donne l'accroissement; il va même jusqu'à dire que c'est à Dieu seul que l'on doit rapporter l'oeuvre de celui qui plante et de celui qui arrose, « chacun selon le don qu'il a reçu du Seigneur. C'est moi qui ai planté, c'est Apollo qui a arrosé ». Poursuivant toujours son but, il en vient à s'écrier : « Que personne donc ne mette sa gloire dans l'homme3 ». Il avait dit déjà : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur ». Enfin, après ces développements et tous ceux qui en découlent, il manifeste clairement sa pensée dans ces paroles : « Du reste, j'ai proposé ces choses dans ma personne et dans celle d'Apollo, à cause de vous, afin que vous appreniez par notre exemple à n'avoir pas de vous-mêmes d'autres sentiments que ceux que je viens de signaler, prenant garde à ne pas vous enfler d'orgueil les uns contre les autres pour autrui. Car, qui donc met de la différence entre vous ? Qu'avez-vous que vous ne l'ayez reçu? Et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l'aviez point reçu4 ? »