145.
Jul. Et par là même à nier qu'aucun homme puisse être condamné pour le péché d'un autre; à nier qu'un péché quelconque soit transmis avec le sang par suite de l'état où se trouve la nature humaine ; parce qu'elles nous apprennent à croire et à affirmer hautement que l'homme engendré suivant les lois établies par Dieu, trouve, dans sa propre conscience , des règles capables de diriger son libre arbitre dans la voie de la justice, et par là même le pouvoir d'éviter tout ce qui est mal et d'accomplir tout ce qui est bien. D'où il suit que cet homme ne doit point croire, comme vous l'enseignez, que l'affection au péché et la nécessité de le commettre lui viennent de la source d'où il a reçu sa propre substance; en d'autres termes, du sang dont il a été formé ; il ne doit point regarder cette maxime également opposée à la raison et au bon sens, cette maxime impie qui outrage à la fois la nature, la raison et Dieu; il ne doit point la regarder comme étant contenue dans le livre de l'Apôtre, sous prétexte que celui-ci a enseigné que le péché est entré dans ce monde par un seul homme, et que la mort a passé ainsi dans tous les hommes[^3]; car saint Paul, afin de ne laisser subsister aucune obscurité à cet égard, ajoute presque aussitôt que le mot tous, employé d'abord par lui, doit être considéré comme désignant la multitude de ceux qui se seraient rendus coupables de péché par des actes d'imitation, non point par le fait même de leur génération.
Aug. Peux-tu prétendre qu'Abraham ne reçut pas la promesse d'avoir pour postérité toutes les nations, quand il lui fut dit: « Dans ta race seront bénies toutes les nations[^1] », sous prétexte qu'en un autre endroit le mot tous est remplacé par les mots : un grand nombre : « Je t'ai établi le père d'un grand nombre de nations[^2]? » Peux-tu, dis-je, tenir ce langage, et, par tes vains discours, contredire les prédictions faites en ce même endroit de l'Ecriture et que nous voyons accomplies par les événement.; enfin, peux-tu nous empêcher nous-mêmes de regarder comme désignant toutes les nations les termes d'une promesse où il n'est pas question d'autre chose que de toutes les nations, et cela parce qu'il te plaît d'enseigner, dans une dialectique à toi, que le mot toutes est employé et doit être interprété comme désignant, non pas toutes les nations, mais un grand nombre de nations à l'exclusion des autres? Si au contraire, quoique le mot beaucoup puisse, à la vérité, être interprété dans un sens différent du mot tous, cette dernière expression cependant peut très-bien, lors même qu'elle est employée dans son sens propre,être remplacée par le mot beaucoup, quand on ne veut pas que la totalité dont il s'agit soit regardée comme renfermant un petit nombre d'individus (car, par exemple, ces saints que le feu de la fournaise n'eut pas le pouvoir de consumer, chantaient tous les louanges de Dieu au milieu des flammes inoffensives, et cependant à eux tous ils ne formaient qu'un petit nombre, puisqu'ils n'étaient que trois[^4]);quelle est la valeur de cet argument par lequel tu prétends établir que le mot tous ne doit pas être interprété comme indiquant une totalité réelle, sous prétexte que les mêmes personnes sont désignées ailleurs par les mots de un grand nombre? Lorsqu'il s'agit d'une totalité véritable, on se sert quelquefois du mot beaucoup, afin précisément de montrer que la totalité dont on parle renferme un grand nombre d'unités, et non pas quelques unités seulement. Par exemple, quand on parle de tous les cheveux de l'homme, on peut les désigner sous le nom de multitude ; mais quand on parle de la totalité des doigts de l'homme, cette expression ne saurait plus être employée.
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Rom. V, 12.
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Gen. XXII, 10.
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Id. XVII, 5.
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Dan. III, 49-51.