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Jul. Tu ajoutes un peu plus loin : « La nature humaine, qu'elle soit le fruit d'une union légitime ou d'une union adultère, est l'oeuvre de Dieu. Si elle était mauvaise en elle-même, elle ne devrait pas être engendrée ; s'il n'y avait rien de mauvais en elle-même, elle ne devrait pas être régénérée : et pour simplifier davantage la a forme de cet argument, si la nature humaine était mauvaise essentiellement, elle ne devrait pas être guérie; et s'il n'y avait rien de mauvais en elle, elle: ne devrait pas non a plus être guérie. Celui donc qui déclare que notre nature n'est point bonne, refuse par là même cette qualité au Créateur, par qui elle a été tirée du néant : celui qui enseigne au contraire qu'il n'y a rien de mauvais en elle, rend ses blessures inguérissables en la privant des remèdes que la miséricorde du Sauveur devait y apporter. D'où il suit que, en ce qui concerne la naissance a des hommes, les unions adultères ne sauraient être justifiées par le bien que le Créateur, dont la bonté est absolue, sait en tirer; et les unions légitimes ne sauraient être condamnées à cause du mal que les enfants contractent au moment ou ils sont engendrés et dont ils ont besoin d'être guéris par la miséricorde du Sauveur[^3] ». La longueur et la multiplicité de ces citations répond à l'opiniâtreté des efforts que tu as faits en écrivant ton livre pour paraître discuter en profond penseur ; mais comme c'est notre coutume de n'user jamais de supercherie, et aussi afin d'être pleinement assurés nous-mêmes que nous attaquons réellement ta doctrine telle qu'elle est enseignée par toi, les passages que nous venons de rapporter étant conçus- en des termes presque inintelligibles, nous devons les mettre de nouveau sous les yeux du lecteur dans un style tout à fait net et précis. Tu as dit que les Manichéens déclarent la nature de la chair mauvaise en elle-même, et que , suivant eux , l'homme a été formé du mélange de deux natures, l'une bonne et l'autre mauvaise ; puis, nous qualifiant du nom d'hérétiques, tu as ajouté que, suivant nous, la nature humaine ayant été créée par un Dieu bon, a été créée bonne elle-même, et qu'elle est tellement saine dans les petits enfants, que ceux-ci n'ont aucun besoin des remèdes apportés par Jésus-Christ : tu as dit enfin que, suivant toi, la nature d'Adam créée par un Dieu bon a été bonne pendant quelque temps, mais qu'elle a été ensuite flétrie par le péché, d'où il suit qu'elle a besoin de remèdes apportés par Jésus-Christ[^1]. Dans le premier livre du présent ouvrage, j'ai fait voir, en rapprochant votre doctrine de la doctrine des Manichéens, qu'il n'y a absolument aucune différence entre votre croyance et la croyance de ces hommes impies; puisque, manifestement, ros maximes ne sont pas autre chose que la conclusion des principes posés par eux : ce qui prouve que si la crainte t'oblige à te ranger parmi les disciples de Jovinien, ton coeur appartient tout entier aux Manichéens. Tel doit donc être ici encore l'objet de notre discussion ; mais il faut qu'auparavant j'expose d'une manière exacte, d'abord nos principes et ensuite les vôtres. Tu as dit avec vérité que, suivant nous, la nature humaine a été créée bonne par un Dieu bon ; mais tu nous attribues ensuite une doctrine que nous n'avons point enseignée : ou bien tu n'as pas vu, ou bien tu as supprimé une maxime qui est le complément de celle-là; et tu as remplacé cette seconde partie de notre thèse par une autre maxime qui est de ton invention, car elle n'a jamais été enseignée par nous nous disons que non-seulement la nature humaine a été créée bonne par Dieu dans la personne d'Adam ; mais qu'aujourd'hui encore elle est créée bonne dans la personne des petits enfants par le même Dieu qui donna l'existence à ce premier homme; d'où il suit que nous attribuons à Dieu la création de tous les hommes.
Aug. Nous-mêmes enseignons-nous autre chose par rapport au Seigneur Dieu, Créateur de tous les hommes? Mais (à Dieu ne plaise que nous soyons ici d'accord avec vous !) vous niez que les enfants aient besoin du Dieu sauveur, puisque vous affirmez que leur nature est absolument bonne, qu'il n'y a rien en elle de mauvais ; d'où il suit que les remèdes apportés par Jésus-Christ ne lui sont pas nécessaires. Réponds à cette objection, réfute d'abord ce que tu avais entrepris de réfuter dis-nous pourquoi on fait des insufflations sur les enfants avant de les baptiser ; ou bien, déclarant ouvertement la guerre à l'Eglise universelle dont l'origine se confond avec l'origine même du christianisme, soutiens que les enfants ne doivent point recevoir ces insufflations : parle, concentre sur cet objet toutes les forces de ton esprit; dirige, si tu le peux, contre cet argument fondamental, quelque autre argument capable de l'ébranler. Pourquoi chercher ainsi dans les détours de ton verbiage stérile un moyen d'échapper toujours à la discussion de ta doctrine ? Pourquoi chercher ainsi, à l'aide de vains subterfuges, à voiler et à obscurcir tes véritables maximes, afin que le lecteur venant à les perdre complètement de vue, se persuade que tu discutes sérieusement, quoique en réalité il te soit impossible de rien répondre ?
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Ibid.
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Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 36.