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Jul. La logique cependant, qui ne permet pas de diviser les choses que ses lois unissent, exigerait de ma part de plus longs développements pour expliquer l'état des en, fants. Sans doute on admettrait plus volontiers que les enfants naissent destinés à périr éternellement, si la majesté suprême ne se trouvait pas compromise avec eux. Justifie donc la conduite de Dieu, et tu pourras alors accuser l'enfance : qu'on montre la justice de la conduite de celui qui ne peut être Dieu sans être juste; et toute sorte de personnes pourront ensuite être châtiées. De plus, et en dehors de ce qu'il y a de sacrilège dans tes paroles, tu regarderas comme pouvant se concilier ensemble des choses qui sont absolument inconciliables. Tu prétends que les enfants étant purifiés avec les idolâtres et les parricides dans des mystères identiques, ils peuvent tous être convaincus de scélératesse : et tu ajoutes une chose bien plus absurde encore, savoir, que fauteur du sacrement dont nous parlons, impute à des innocents des péchés commis par un autre. Voilà ce que j'ai dit être inconciliable, savoir, que Dieu soit, en même temps, assez miséricordieux pour remettre les péchés personnels à tous ceux qui les confessent, et assez cruel d'autre part, pour imputer à des innocents les péchés d'un autre. Dès que tu affirmes l'une de ces deux choses, tu nies l'autre nécessairement : s'il accorde le pardon aux coupables, il ne calomnie point les innocents; s'il calomnie les innocents, il ne pardonne jamais aux coupables.
Aug. C'est toi-même, au contraire, qui attribues l'injustice à Dieu, puisque tu regardes comme une injustice de faire retomber sur les enfants les péchés de leurs pères, quoique Dieu déclare souvent dans l'Ecriture et montre par des faits qu'il agit ainsi. C'est toi-, même, dis-je, qui attribues l'injustice à Dieu, quand voyant, sous la providence de ce Dieu tout-puissant, les enfants voués dès leur naissance à une condition tout à fait déplorable, tu prétends qu'ils n'ont aucun péché et qu'ainsi tu accuses à la fois Dieu et l'Eglise: Dieu qui, suivant toi, châtie et fait souffrir, ceux qui ne méritent pas ce châtiment et ces souffrances; l'Eglise qui fait des insufflations sur des enfants qui ne sont pas livrés au pouvoir de Satan. Mais où donc as-tu rêvé que nous mettons les péchés originels des enfants au même rang que l'idolâtrie et le parricide? Cependant la rémission des péchés qui est attachée aux mystères, est une rémission véritable à l'égard des péchés énormes et à l’égard des péchés légers, à l'égard des péchés très-nombreux ou peu nombreux et à l'égard des péchés uniques; elle n'est illusoire par rapport à aucun péché, comme vous prétendez qu'elle l'est par rapport à ceux des enfants, Au reste, les péchés originels nous sont étrangers, en ce sens qu'ils n'ont pas été commis par un acte libre de notre volonté; mais ils nous appartiennent cependant en ce sens que la souillure de notre origine nous a été communiquée d'une manière contagieuse. Que signifient donc tes paroles, quand tu t'écries que Dieu ne saurait à la fois remettre ans adultes leurs péchés personnels et imputer aux enfants les péchés d'autrui? et pourquoi ne veux-tu pas faire attention à ce fait, que Dieu remet les uns et les autres péchés à ceux-là seulement qui ont reçu une seconde naissance en Jésus-Christ, et qu'il n'en remet; aucun à ceux qui n'ont pas reçu cette seconde naissance? Ce sont là en effet les secrets de la grâce chrétienne qui ont été cachés aux sages et aux prudents, et qui ont été révélés aux petits[^1] ; si tu étais du nombre de ces derniers et si tu ne mettais pas comme un homme d'un esprit transcendant ta confiance dans tes propres forces, tu comprendrais sans aucun doué que l'injustice du premier homme est imputée aux enfants au moment où ils sont engendrés, et les destine à la damnation, de la même manière que la justice du second homme est imputée aux enfants régénérés et les destine à la possession du royaume des cieux : quoique par leur volonté et par leurs oeuvres personnelles ils n'aient en réalité imité ni le premier dans sa mauvaise action, ni le second dans ses bonnes actions.
- Matt. XI, 25.