59.
Jul. Ecoute donc, contre ce que tu as dit, ces deux mots: Les esprits qui goûtent tes discours n'appartiennent pas à l'Eglise catholique, s'ils s'écartent de la piété et de la raison. Or, ils s'écartent de l'une et de l'autre quand leurs pensées ne sont pas dignes de la justice de Dieu et qu'ils ne comprennent pas la sagesse et les richesses des mystères calomniés par eux. Cette foi n'a pas été établie dans l'antiquité et transmise par nos pères; elle naquit dans les conseils des méchants; inspirée par le démon, elle fut publiée par Manès, célébrée par Marcion, par Fauste, par Adimante et par tous leurs satellites ; et, ce qui fait l'objet de nos plus amers gémissements, elle est aujourd'hui répandue par toi en Italie.
Aug. De quelle langue, de quel front appelles-tu conseil des méchants le consentement unanime de tant de catholiques qui ont été avant nous les docteurs des Eglises? Comme si vous pouviez, en supposant que les évêques dont j'ai rappelé les noms tout à l'heure (sans parler d'autres encore), Cyprien, Hilaire, Ambroise, Grégoire, Basile, Jean de Constantinople, siégeassent dans l'assemblée que, non pas dans un but utile, mais pour satisfaire votre vanité, vous prétendez devoir se réunir afin de traiter les questions discutées par vous ; comme si vous pouviez facilement trouver parmi ceux qui vivent aujourd'hui, quelques évêques que vous auriez le droit, je ne dis pas de préférer, mais de comparer à ceux-là sous le rapport de la science ecclésiastique et de la connaissance de la tradition ancienne. Et quand ces docteurs proclament, touchant le péché originel, des maximes qui vous contredisent en termes clairs et manifestes, celles que j'ai citées un peu plus haut et une foule d'autres encore, vous osez appeler conseil des méchants leur consentement unanime sur ce dogme de la foi catholique? et vous cherchez quels arguments vous pourrez leur opposer, quand vous ne deviez songer qu'à chercher un lieu de refuge, si vous ne voulez pas partager leurs sentiments? Mais puisque tu dis que j'ai répandu en Italie une doctrine qui fait le sujet de vos gémissements, je répéterai encore une fois, pour confondre ton impudence, les paroles de ce même évêque d'Italie, Ambroise, qui a reçu les éloges de ton docteur. « Nous naissons tous »,dit-il, « dans l'état du péché, nous hommes dont l'origine même est souillée ; comme on lit dans les psaumes de David : Voici que j'ai été conçu dans l'iniquité, et ma mère m'a enfanté dans le péché[^1]. C'est pour cette raison que la chair de Paul était un corps de mort, comme il le dit lui-même : Qui me délivrera du a corps de cette mort[^2] ? Mais la chair du Christ a condamné le péché dont elle n'a pas subi les atteintes à sa naissance, et qu'elle a crucifié par sa mort, afin que notre chair fût justifiée par la grâce, après avoir été souillée par le péché[^3] ». Telle est donc la foi que je prétends avoir été établie dans l'antiquité et transmise par nos pères : tu ne veux pas la reconnaître, et tu ne remarques pas quel est celui à qui tu résistes. Pourras-tu dire à celui-ci que cette doctrine a été inspirée par le démon? Est-il, lui aussi, un manichéen ? Est-ce Marcion, Fauste, Adimante ? Non, certes ; bien loin d'avoir avec eux une ressemblance quelconque, il est leur ennemi déclaré. Que Pélage du moins nous dise quel est ce personnage. C'est celui précisément dont les ennemis eux-mêmes n'ont osé attaquer ni la foi ni le sens exquis dans l'interprétation des Ecritures. Où en es-tu, ô Julien? que penses-tu de ta position? Celui dont les ennemis eux-mêmes n'ont jamais osé attaquer la foi , partageait précisément cette croyance que tu attaques jusqu'à prétendre qu'elle est née dans les assemblées des méchants. Cette croyance se trouve être, non pas la foi des méchants, mais la foi d'Ambroise elle est aussi la mienne, parce qu'elle est véritable, parce qu'elle est saine, parce que, comme je l'ai dit, elle a été enseignée et établie dans l'antiquité. Ce n'est donc point moi qui l'ai répandue en Italie (ce qui fait, dites-vous, le sujet de vos gémissements) : j'ai été plongé au contraire dans l'onde régénératrice par cet évêque, au moment où. il prêchait et enseignait cette foi à l'Italie. Cette foi est la foi catholique, et cependant elle n'est pas la tienne : où es-tu donc toi-même ? Ouvre les yeux, je t'en conjure, et reviens. C'est ton plus cher intérêt d'ouvrir tes yeux à la lumière et de fermer ton coeur à l'envie : nous désirons ton retour, non pas ta perte.
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Ps. L, 7.
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Rom. VII, 21.
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De la Pénit., liv. I, ch. II ou III.