20.
Jul. L'apôtre saint Jean exhortait les fidèles à la pratique des plus sublimes vertus; il voulait que leur amour de la justice s'élevât jusqu'à leur faire imiter toutes les vertus dont le Sauveur nous a donné l'exemple, et, afin de s'exprimer d'une manière plus concise, il désigne sous le nom de monde toutes les choses qui peuvent présentement enflammer nos désirs ou exciter notre convoitise : « N'aimez point le monde», dit-il, « ni rien de ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui : car tout ce qui est dans le monde est ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie; trois choses qui ne viennent point du Père, mais du monde : or, le monde passe et sa concupiscence avec lui ; tandis que celui a qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement[^1] ». Si l'on s'arrête à la superficie de ces mots, ils semblent être une malédiction prononcée contre tous les éléments : ni le monde, ni rien de ce qui est dans le monde ne vient point du Père et ne doit plus être aimé.
Aug. Cette argumentation n'est pas sérieuse aucun catholique, même parmi les plus ignorants, ne songe à interpréter ici le mot de monde comme désignant les éléments matériels.: Le même Apôtre, parlant ailleurs du Seigneur Jésus-Christ, dit : « C'est Lui qui est la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde[^2] » ; et cependant personne n'est assez insensé pour croire qu'il s'agit ici de péchés dont les éléments matériels seraient coupables. Conséquemment, toutes les fois que le mot de monde se trouve ainsi employé dans un sens général, il doit être entendu uniquement des hommes qui se trouvent répandus dans tout le monde, c'est-à-dire, sur toute la surface de la terre habitée. Enfin, l'Apôtre a désigné en cet endroit sous le nom de monde la vie humaine elle-même, c'est-à-dire, celle qui consiste à vivre, non pas suivant la loi de Dieu, mais conformément aux penchants de la nature humaine. Voilà pourquoi il défend aux fidèles d'aimer cette vie et leur déclare que tout ce qui est dans le monde est ou «concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou amour des choses du siècle (ou, suivant une autre version, orgueil de la vie) ; trois choses qui ne viennent point du Père, mais du monde ». Maintenant, montre-nous, si tu le peux, un seul endroit des saintes Ecritures où il soit parlé en bonne part de la concupiscence de la chair, et cesse d'obscurcir par un verbiage également interminable et inintelligible des choses qui sont évidentes comme la lumière.
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I Jean, II, 15-17.
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Id. II, 2.