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Jul. J'ai hâte de passer à d'autres questions, mais je me sens arrêté et comme enchaîné ici par l'étonnement profond que m'inspire un tel genre d'argumentation. D'où te vient contre ton adversaire cette fureur qui t'aveugle et qui, alors que tu ne comprends pas les Ecritures, ne te permet pas du moins de peser tes propres paroles? mais tu argumentes avec une ardeur qui ne connaît ni trêve ni repos, et tu ne sens pas que chacun des traits lancés par, ta main retombe sur toi-même avec plus de force et de violence. Ainsi, suivant toi, le sentiment de la pudeur est excité uniquement par la concupiscence et par les mouvements que la concupiscence fait naître dans les organes de la chair.
Aug. Je n'ai point dit cela. Le sentiment de la pudeur peut être excité en nous par d'autres causes; il peut avoir pour objet, par exemple, les actions déshonnêtes qu'il nous détourne d'accomplir ou dont il nous fait rougir lorsqu'elles sont accomplies. Mais si l'on recherche quelle est la cause véritable de ce sentiment de pudeur particulière dont nous parlons ici, on la trouvera uniquement dans ce fait, qu'une altération profonde s'est produite dans le corps de l'homme, et que l'on a dû désigner sous le nom propre d'organes honteux des organes qui jusqu'alors n'avaient eu absolument rien de honteux; puisque jusqu'alors nos premiers parents , vivant dans un état de droiture et d'innocence parfaite, n'avaient point rougi de leur nudité. Si tu avais voulu y réfléchir avec le soin qu'exige la prudence la plus vulgaire, tu n'aurais pas résisté aussi impudemment à une vérité manifeste comme la lumière.