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Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE QUATRIÈME. LE QUATRIÈME LIVRE DE JULIEN.

104.

Jul. Tu as ajouté: « Le péché est entré dans le monde par un seul homme » ; mais nous avons fait voir que cette citation est ici tout à fait hors de propos, de même que dans le second livre du présent ouvrage nous avons montré quel sens on doit attacher à ces paroles. Toutefois, puisque l'argumentation que nous venons d'établir a reçu tous les développements qu'elle comportait, arrêtons-nous un instant pour considérer de nouveau la manière très-ingénieuse dont tu interprètes ces paroles ; que le lecteur juge de la finesse de tes raisonnements : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme, et par le péché la mort; et ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché[^1] ». «Tous », dis-tu, «ont péché parla volonté mauvaise de cet homme unique, parce que tous étaient alors cet homme unique, et voilà comment chacun a contracté le péché originel[^2] ». Ainsi, suivant toi, « tous ont péché, parce que tous étaient alors cet homme unique ». J'ai déjà fait observer que tu avais tenu un langage identique dans l'ouvrage que tu as adressé à Marcellin[^3]; preuve manifeste que tu as puisé cette doctrine de la transmission des âmes à la source impure du manichéisme (dont j'ai rapporté quelques maximes dans le livre troisième). Certes, tu as fait là un plagiat tellement abominable que, bien qu'il ressorte clairement de l'étude comparée des écrits de Manès et de tes propres écrits, tu n'oses cependant l'avouer et le reconnaître. Mais pour le moment laissons de côté une doctrine qui se trouve condamnée irrévocablement, d'abord par l'infamie qui s'attache au nom de son premier auteur, et ensuite par ce sentiment même de pudeur qui t'empêche de t'en avouer le défenseur. Arrêtons-nous un instant à considérer quel trouble règne dans ton esprit et dans tes discours. Tu dis : « Tous ont péché par la volonté mauvaise de cet homme unique, parce que tous étaient alors cet homme unique ». Si tous étaient cet homme unique, comment tous ont-ils péché par la volonté mauvaise de celui-ci ; puisque ces mêmes hommes que tu prétends avoir tous existé en lui, pouvaient pécher par leur volonté propre? Ou plutôt, afin de retourner l'argument, cet homme est le plus malheureux de tous les hommes, puisqu'il porte seul l'odieux d'un péché que, d'après tes propres maximes, tous ont commis eu lui. Les enfants ont donc eu une volonté , non-seulement avant qu'ils fussent nés , mais avant même que leurs ancêtres fussent engendrés ; et ils ont fait un acte de libre arbitre avant que le sang dont ils devaient être formés, eût commencé de couler dans les veines de leurs pères. Pourquoi dès tors crains-tu d'affirmer qu'au moment même de leur conception les enfants possèdent une volonté libre par laquelle ils ne contractent pas naturellement, mais ils commettent spontanément le péché ; puisque, suivant toi, les enfants qui sont conçus aujourd'hui, possédaient depuis tant de siècles le sentiment, l'intelligence et la force qui constituent ce que nous appelons la volonté ? Il est vrai que tu as énoncé hautement cette maxime dans les livres que tu as dédiés à Marcellin ; sans doute afin de montrer à quel excès d'aberrations sont fatalement entraînés les ennemis de Dieu. Voici en effet ce que tu as écrit dans le premier de ces livres: « Ces enfants ont péché en Adam, pour être ensuite créés semblables à Adam[^4] ». Est-il possible de parler un langage plus faux, plus insensé, plus ignoble que celui-là : « Ils ont péché avant qu'ils fussent créés ? » En d'autres termes, ils ont mérité par cette action de devenir capables d'accomplir des actions, et leur activité s'est exercée avant que leur substance fût sortie du néant. De pareilles énormités ne seraient peut-être pas déplacées sur les lèvres des prêtres et des prêtresses de Bacchus ; mais à coup sûr un écrivain ne saurait entreprendre de les réfuter sans se déshonorer lui-même ; qu'il nous suffise donc de les avoir fait connaître en deux mots. Ainsi, voilà comment tu as été amené à nous faire cette réponse : « Tous ont péché en lui, parce que tous étaient alors cet homme unique de qui chacun a contracté le péché originel ». Il ne me serait pas difficile de montrer ici que la volonté étant une faculté personnelle, il est impossible que cette même volonté existe avant la personne à qui elle appartient; mais ce que je désire surtout que l'on comprenne bien, c'est que même dans cette hypothèse l'existence du péché originel n'est encore rien moins que prouvée. En effet, si tous ont existé et commis le péché en Adam, ils n'ont donc point contracté la souillure du mal originel, puisque ce mal a été accompli par la libre détermination de tous et de chacun en particulier. Ainsi la doctrine de la transmission du péché se trouve détruite, non-seulement par les principes de la vérité catholique, mais même par chacun des arguments que son défenseur fait valoir en sa faveur; c'est en effet le propre de l'erreur de n'être jamais d'accord avec elle-même et, malgré les efforts qu'elle fait pour se couvrir des apparences de la vérité, de ne réussir qu'à exposer à tous les regards sa honte et son infamie.

Aug. L'Apôtre a dit Ambroise a compris que le péché est entré dans le monde par un seul homme en qui tous ont péché ; mais Julien s'efforce de dénaturer et d'interpréter dans un sens favorable à sa doctrine perverse ces mêmes paroles de l'Apôtre. Pourquoi Ambroise lui-même ne prendrait-il pas ici la parole? Ecoute donc, ô Julien, la réponse qu'il te fait: «Tous », dit-il, « meurent en Adam; car le péché est entré dans le monde par un seul homme, et par le péché la mort; et ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché; la faute de cet homme est donc la mort de tous[^5] ». Ecoute encore cette autre réponse du même auteur: «Adam a existé », dit-il, « et nous avons tous existé en lui ; Adam a péri, et tous ont péri en lui[^6] ». Réplique, si tu l'oses, déclare en face à Ambroise qu'une seule âme ayant péché par sa volonté propre, tant d'autres âmes qui n'avaient pas encore de volonté propre, n'ont pu périr par suite du péché de cette âme unique. Accuse mon silence et mes hésitations au sujet de l'origine des âmes, reproche-moi de n'oser enseigner et affirmer ce que je ne sais pas ; tranche toi-même, comme il te plaira, cette question d'une obscurité si profonde : mais du moins que cette maxime demeure ferme et inébranlable , savoir, la faute de cet homme unique est la mort de tous, et tous ont péri en lui ; c'est pourquoi le nouvel Adam est venu chercher et sauver ce qui avait péri[^7]. Dis en face à Ambroise : Donc ceux-là aussi ont péché par leur volonté propre,. que tu prétends avoir péri dans la personne de celui qui a péché par sa volonté propre. Mais Ambroise pouvait comprendre une chose qui surpasse tout à fait ton intelligence; il comprenait, dis-je, qu'en s'exprimant ainsi il accusait, non pas le libre arbitre de chacun , mais le sang dont tous les hommes devaient être formés : grâce à cette origine commune, tous étaient alors dans cet homme unique, ou plutôt, n'étant encore rien en eux-mêmes, tous étaient alors cet homme unique. C'est en ce sens aussi que l'Ecriture dit que Lévi existait dans Abraham son aïeul, quand celui-ci paya la dîme à Melchisédech : Lévi est ici représenté comme payant la dîme, non point par lui-même, mais par celui en qui il existait : ors ne peut pas dire qu'il voulut , ni qu'il ne voulut pas payer la dîme; car il ne pouvait pas avoir de volonté , alors qu'il n'avait pas encore d'existence personnelle ; et cependant, parce qu'il devait être formé du sang d'Abraham, l'Ecriture a pu dire avec raison et en toute vérité qu'il existait dans celui-ci et qu'il paya la dîme. Aussi, parmi les enfants d'Abraham qui existaient en lui au moment où il donna la dîme au prêtre Melchisédech, un seul a été affranchi de ce tribut, c'est le prêtre à qui il a été dit : « Vous êtes prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech[^8] ». Bien que, suivant la chair, il appartienne, lui aussi, à la postérité d'Abraham, puisque la Vierge Marie dans le sein de laquelle son corps a été formé, était issue du sang de ce patriarche : il n'est pas cependant assujetti aux mêmes lois, ni soumis à la même condition naturelle , parce que, sa conception s'étant accomplie sans le concours d'aucun homme, la concupiscence n'exerce sur lui aucun empire. Réponds donc maintenant, non plus à Ambroise, comme je t'y invitais tout à l'heure, mais à celui qui a écrit aux Hébreux en ces termes : « Et Lévi, qui reçoit la dîme des autres, l'a payée lui-même, pour ainsi .dire, en la personne d'Abraham ; car il était encore dans Abraham son aïeul, quand Melchisédech vint au-devant de ce patriarche[^9] ». Attaque cet auteur, poursuis-le de tes arguties insensées et interminables; dis-lui, si tu l'oses : Le patriarche Abraham ayant donné la dîme volontairement, comment Lévi, qui ne pouvait alors faire aucun acte de volonté, puisqu'il n'existait pas encore , comment Lévi a-t-il pu donner la dîme par la volonté de son aïeul? C'est en effet par un raisonnement, ou plutôt par un sophisme du même genre, que tu nous dis, à nous: Le premier homme ayant péché volontairement, comment les autres hommes qui, bien loin de pouvoir faire des actes de volonté personnelle, n'avaient pas même encore une existence propre et distincte, comment auraient-ils pu pécher en Adam et par la volonté d'Adam? De grâce, épargne plutôt à tes lecteurs la fatigue de lire de pareilles futilités : tous ceux qui n'étaient pas encore nés , ne pouvaient assurément accomplir par leur volonté personnelle aucun acte, soit bon , soit mauvais; mais ils purent tous pécher dans celui en qui ils existaient comme dans leur commune origine, au moment où celui-ci se rendit par sa volonté propre coupable de ce péché énorme, au moment où il souilla, où il flétrit, où il pervertit en lui la nature humaine ; tous, dis-je, excepté celui-là seulement dont le corps a été formé du sang d'Adam, il est vrai, mais non point par la voie ordinaire de la génération . comprends cela, si tu le peux ; s'il n'est pas possible à ton intelligence de s'élever jusque-là, crois-le.

  1. Rom. V, 12.

  2. Du Mariage et de la Conc., liv. II, n. 15.

  3. Des Mérites des Pécheurs, liv. I, n.11, et liv. III, n. 14.

  4. Des Mérites des Pécheurs, liv. I, n. 11.

  5. Livre IV sur saint Luc, IV, 38.

  6. Livre VII sur saint Luc, XV, 24.

  7. Luc, XIX, 10.

  8. Ps. CIX, 4.

  9. Hébr. VII, 9, 10.

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Contre la seconde réponse de Julien

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