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Jul. Mais passons maintenant à mes paroles qu'il a extraites de la préface, en se proposant de les réfuter : « Le lecteur est donc suffisamment averti qu'il a entrepris de donner une sorte de réfutation de mes paroles, et que le moyen auquel il a eu recours pour cela a consisté, tantôt à mutiler mes phrases en omettant les mots du milieu, tantôt à les écourter, en ne citant pas la fin de ces mêmes phrases ; j'ai montré suffisamment aussi quel était son but en agissant ainsi. Considérons maintenant nos paroles qu'il a citées comme il a voulu et celles qu'il a ajoutées de lui-même. Voici en effet ce qu'il a rapporté quand, ainsi que Valère te l'a donné a à entendre en t'envoyant ce papier, il a voulu transcrire tout d'abord un passage de la préface sans doute de ces livres dont a il a fait quelques extraits; je cite mot à mot : Des docteurs de notre temps, dit-il, « très-noble frère, les auteurs précisément de cette révolte sacrilége qui est encore loin d'être éteinte, ont résolu d'arriver, par la ruine de l'Eglise tout entière, à couvrir a d'infamie et à perdre les hommes dont le saint zèle est comme un feu qui les dévore; ils ne voient pas combien ils ont rendu plus éclatante la gloire de ces hommes, en prouvant ainsi qu'elle n'avait pu leur être ravie sans que la religion catholique fût elle-même détruite. Car si quelqu'un dit que l'homme possède le libre arbitre, ou que Dieu est le créateur des petits enfants, on lui donne le nom de disciple de Céleste ou de Pélage. Et alors, pour n'être pas appelé hérétique, on se fait Manichéen ; pour échapper à un déshonneur imaginaire, on se jette dans une voie réellement criminelle ; comme ces animaux féroces que l'on entoure de barrières afin de les pousser dans les piéges , et qui, n'ayant pas reçu la raison en partage , se trouvent entraînés à une mort véritable par une vaine frayeur[^1] ». Je sais ce que j'ai écrit et ce que tu n'as pas cité intégralement; et, quoique le point capital de la discussion ne soit point traité dans ce passage, puisque tu prétends que ces paroles sont tirées de la préface, je dirai, afin de rendre ta légèreté tout à fait visible, qu'elles ne se trouvent pas en cet endroit, mais qu'elles forment le commencement même du livre. Je dirai encore qu'avant ces paroles : « A couvrir d'infamie et à perdre les hommes dont le saint zèle est un feu qui les dévore », j'avais écrit celles-ci : « Ils ont résolu, aucun autre moyen ne s'offrant à eux, d'arriver par la raine de l'Eglise tout entière à... » Enfin, j'ai ajouté immédiatement après ce qui précède : « Celui qui confesse l'existence du libre arbitre et qui donne à Dieu le titre de créateur, reçoit lui-même le nom de disciple de Céleste et de Pélage; ces mots », ai-je dit, «jettent l'effroi dans les âmes simples; et, pour échapper à une qualification odieuse, elles abandonnent même la vraie foi, et elles croiront fermement que le libre arbitre n'existe pas dans l'homme, et que Dieu n'est pas le créateur des petits enfants, quand elles auront abandonné ces deux points de la foi, après les avoir d'abord professés hautement ». Tu as omis tout cela. Viennent ensuite les paroles que tu as citées et dont il ne sera pas difficile assurément de montrer combien elles sont vraies et irréfutables. Ainsi, j'ai rapporté tes paroles sans y faire un seul retranchement, et toi tu n'as pas même cité mon premier chapitre tel que je l'avais écrit. J'insiste sur ce point, afin de faire mieux ressortir la gravité de l'écrivain carthaginois.
Aug. Ce que tu m'imputes est l'oeuvre de celui qui a extrait de ton livre ce qu'il lui a plu, et qui a envoyé son manuscrit à celui à qui il a voulu ; et je crois que toi-même tu n'as aucun doute à cet égard. En effet, dans ce même livre que tu critiques en termes injurieux, j'ai dit tout d'abord à quel écrit j'étais obligé de répondre ; mais tu cherches à quels termes injurieux tu pourras avoir recours, parce que tu sens parfaitement que tu ne saurais rien dire de sérieux en essayant de discuter. D'ailleurs, dans un passage de mon livre, dont tu essaieras tout à l'heure de donner une réfutation, tu as pu remarquer ces mots : « Ton langage est contraire à la vérité, ô toi qui parles ainsi, quel que soit ton nom » ; or, je ne me serais pas exprimé de cette manière si j'avais eu la certitude que ces paroles étaient de toi et non pas de celui qui a rédigé comme il lui a plu, et qui a envoyé à celui à qui il a voulu cet écrit qu'on m'avait transmis et dont j'avais entrepris de faire une réfutation. Mais je rends grâces à Dieu de ce que, avec le secours du Seigneur, j'ai répondu à l'ensemble même de ton ouvrage (dont cet inconnu avait extrait ce qu'il avait voulu, sans autre règle que son bon plaisir), de telle sorte que j'ai renversé toutes les machines de guerre dressées par toi, hérétique nouveau, contre les dogmes les plus anciens de la foi catholique.
- Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 6, 7,