46.
Julien. Donc ce qui était une possibilité pour le Créateur est devenu nécessité pour la créature. Il a fait aussi diverses natures, et dans ces natures des espèces diverses, en gardant cet ordre qui découlait du commencement des choses, c'est-à-dire que les unes sont nécessaires, les autres possibles. Donc tout ce qui est dans la nature d'une créature lui vient nécessairement.
Augustin. Si tout ce qui est dans la nature d'une créature lui vient de la part du nécessaire, il n'est donc pas dans la nature des hommes d'user du mariage, mais seulement de pouvoir en user : de même l'usage de la femme, dont l'Apôtre a parlé, n'est point dans la nature; il n'est que possible: que l'homme, en effet, ne veuille pas, et cet usage n'existe pas, bien qu'il puisse exister dès qu'il le voudra; il n'est donc point nécessaire, puisqu'il n'existe que selon notre volonté, et l'Apôtre s'est trompé en disant que l'usage de la femme est naturel[^1]. Où est encore ce que tu disais tout à l'heure, que la nature c'est le genre, et l'espèce le mariage ; puisque ce n'est point la nécessité, mais la volonté qui fait le mariage ? Pour parler ainsi, n'avais-tu donc jamais pensé à la distinction qui sépare ces deux choses, le nécessaire et le possible ? Qu'un homme naisse de l'usage du mariage, diras-tu que cela n'est point naturel, parce que ce n'est point de nécessité absolue ? Car tout usage du mariage n'amène pas nécessairement la conception et l'enfantement; c'est donc le possible, et non le nécessaire, que tu as défini; car cela peut seulement arriver, mais ce n'est pas une nécessité. Manger n'est-il pas naturel ? Toutefois nous ne mangeons pas si nous ne voulons; et dès lors il est possible et non nécessaire. Nier que tout cela soit naturel, c'est prétendre diminuer en grande partie la nature. Donc il est faux de dire avec toi : « Tout ce que les créatures tiennent de la nature, leur vient nécessairement », puisqu'elles tiennent de la nature ce que nous venons d'énumérer et d'autres fonctions dont la nomenclature serait trop longue et qui ne sont point pour elles des nécessités.
- Rom. I, 27.