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Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE CINQUIÈME. LE CINQUIÈME LIVRE DE JULIEN.

64.

Julien. Voici une autre de tes paroles, également stupide. Tu dis en effet: « Dieu crée les méchants, comme il entretient et nourrit les méchants[^1] ». Car il est écrit dans l'Evangile, qu' « il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber la pluie sur les.justes et sur les injustes[^2] ». Il y a en effet une grande contrariété où tu as cru trouver de la conformité. Que Dieu nourrisse les pécheurs, qu'il ait de la bonté pour les ingrats et les méchants, c'est là une preuve de sa tendresse et non de sa sévérité; car il ne veut point la mort de celui qui meurt, mais qu'il revienne et qu'il vive[^3] : il ne se hâte pas de punir ceux qui s'égarent; et il n'en agit ainsi que pour nous donner dans sa bonté le temps de faire pénitence. Voici en effet ce que dit l'Apôtre : « Ignores-tu que la bonté de Dieu t'invite à la pénitence? Par ta dureté et l'impénitence de ton coeur, tu amasses un trésor de colère[^4] ». On le voit, avec les fidèles de Lycaonie et devant l'Aréopage, soutenir que Dieu, même dans les jours de l'ignorance antique, n'a point bouleversé les enseignements de sa providence. Car il n'est point. demeuré sans se rendre témoignage, nous dit-il, donnant les pluies du ciel et les saisons favorables pour les fruits, rassasiant nos coeurs de nourriture et de joie[^5]. Répandre la pluie sur les bons et sur les méchants, c'est nous donner des preuves de sa bonté, qui supporte et attend ceux qui s'égarent, afin qu'ils se séparent du mal et fassent le bien. Loin donc de désirer que le mal se fasse, il nourrit des ingrats par amour pour l'amélioration des hommes; c'est là l'indice de sa parfaite bonté. Mais ce que tu ajoutes , qu'il crée les méchants, c'est l'indice d'une complète iniquité. Vois donc combien peu tu comprends tes paroles, toi qui nous apportes un exemple de cruauté pour établir la miséricorde. C'est une bonté de nourrir même les méchants afin qu'ils se puissent corriger, s'ils le veulent. Mais c'est un crime de faire les enfants mauvais, au point que, sans pouvoir user de leur volonté, ils soient forcés d'être pécheurs. La générosité envers les pécheurs nous détourne donc du mal, ne nous y force jamais. Or la condition du mal ne nous tire pas d'un plus grand mal, mais elle plonge dans les plus grands crimes et l'œuvre et l'ouvrier. C'est donc déraisonner que dire avec toi : Dieu crée le méchant; mais c'est déraisonner bien plus encore que de vouloir le confirmer par le témoignage de l'Évangile, et par ce témoignage qui contient la plus grande preuve de la bonté divine. Considère donc avec quelle plus grande force on peut le retourner : il est évident qu'il ne crée pas les méchants, ce Dieu qui nourrit les méchants afin que sa patience les amène au bien. Mais s'il crée les méchants, il n'aime pas et ne récompense pas les bons, et lui-même ne saurait en fin de compte rien avoir de bon; car nulle volonté mauvaise ne saurait nuire avec plus d'efficacité et plus de violence que la puissance de créer, non-seulement des maux possibles, mais aussi des maux nécessaires. Et comme cela ne saurait convenir au Dieu des chrétiens, c'est-à-dire au Père des miséricordes, comme on l'appelle, au Dieu de consolation[^6] , dont on nous dit que ses jugements sont l'équité[^7]; que l'on nous montre sage dans tout ce qu'il a fait[^8] ; non plus que les Manichéens, vous n'êtes point en communion avec nous dans l'appréciation de notre Dieu : vos commentaires insensés, vos péchés de naissance, vous entraînent au culte d'un tout autre créateur, mais copié sur les fureurs de Manès.

Augustin. Je vais donc faire ce que tu n'as pas fait, et qu'ai-je besoin de dire pourquoi ? Le lecteur en jugera : parce que tu avais dit que dans notre sens c'est Dieu qui crée les diables », il est arrivé que dans ma réponse, j'en sois venu à ces paroles dont tu as tiré le sens que tu as voulu ; mais, en dépit de toi, je rappellerai ce que tu as jugé à propos de passer sous silence. Voici donc ce que j'ai dit[^9] , entre autres choses qu'il serait trop long d'énumérer: « Est-ce donc pour le diable qu'il nourrit les fils de perdition, les boucs de la gauche; pour le diable qu'il leur donne la nourriture et le vêtement, puisqu'il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes[^10] ? Il crée donc les méchants, comme il donne aux méchants le vêtement et la nourriture: car ce qu'il leur accorde en les créant fait partie de la nature dans sa bonté ; et s'il leur donne l'accroissement par l'entretien et la nourriture, ce n'est point pour les maintenir dans leur malice, mais pour secourir par bonté cette nature que sa bonté a créée. Etre homme, c'est un bien de la nature dont Dieu est l'auteur : mais naître avec le péché pour mourir si l'on ne renaît point, c'est l'effet de ce germe qui fut maudit au commencement, par le vice de l'antique désobéissance: et toutefois, le créateur de ces vases de colère use pour le bien de cette malédiction, afin de nous montrer les richesses de sa gloire envers les vases de miséricorde[^11], afin que nul de ceux qui appartiennent à la même masse de corruption n'attribue à ses mérites la grâce qui l'en délivre, mais que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur[^12] ». A ces paroles j'ai ajouté : Abjurant avec les Pélagiens cette croyance apostolique et catholique, très-vraie et très-solidement fondée, cet homme ne veut point que l'on naisse sous la puissance du démon, de peur qu'on ne porte les enfants au Christ, qui les arracherait à la tyrannie des ténèbres, pour les transférer dans son royaume. Il se porte ainsi en accusateur de l'Église répandue par tout l'univers, et dans laquelle on ne souffle sur les enfants que pour en chasser le prince des ténèbres, sous le domaine duquel sont nécessairement tous les vases de colère qui naissent d'Adam, à moins qu'ils ne renaissent dans le Christ, et que, devenant par la grâce des vases de miséricorde, ils ne soient transférés dans son royaume u; et le reste, que peut lire dans ce passage ou entendre lire, quiconque le pourra et le voudra. Maintenant donc, après avoir mis de côté ce qui établissait et fortifiait la citation faite par toi, tu as cru pouvoir la détacher, comme ferait un voleur dans un endroit écarté, pour un bien qu'on ne défendrait pas : qu'ils lisent tous le passage, ceux qui voudront connaître ta manière d'agir, ou plutôt qu'ils recourent à la lecture de ce même livre d'où j'ai tiré tout ceci , et ils verront fermement établi ce que tu as essayé de renverser comme peu solide.

De quoi pourront donc te servir ces hommes que tu viens m'objecter, dont la patience de Dieu attend le redressement par la pénitence, et sur qui dès lors il fait lever son soleil et tomber sa pluie[^13]: quand je t'ai opposé îles boucs de la gauche, dont il ne peut, lui qui connaît l'avenir, ignorer la persévérance dans le crime et dans l'impiété, vie sans repentir que doivent châtier d'éternels supplices? Toutefois c'est un bien que la création, quoiqu'il leur fût avantageux de n'être point nés ; un bien que les nourrir et prolonger leur vie autant qu'il plaira au Seigneur, quoiqu'il leur fût avantageux de mourir plus tôt: et parmi eux il en est certainement qu'une mort précoce eût délivrés de toute peine, selon votre détestable hérésie, et de la plus terrible damnation, selon la foi catholique. Qu'est-ce à dire ensuite? que parmi ces boucs de la gauche, qui sont destinés au feu éternel, d'après l'infaillible prescience de Dieu, beaucoup passeront par le bain régénérateur du baptême, puis périront par l'apostasie, ou vivront d'une manière si désordonnée et si criminelle, qu'ils seront indubitablement placés à gauche ; et ils ne sont point emportés, comme beaucoup d'autres, de peur que le mal ne changeât leur esprit. Or ce n'est point une fatale nécessité qui empêche Dieu de conférer ce grand bienfait aux uns, ni l'acception des personnes qui le lui fait conférer aux autres. Que font ici tes nécessaires et tes possibles que tu veux distinguer avec tant de soin, sans savoir ce que tu dis, tandis que Dieu sait ce qu'il fait, lui dont les jugements peuvent être cachés quelquefois, jamais injustes ?

Il n'y a donc nulle injustice à conférer des biens aux méchants, mais il serait injuste d'envoyer des maux aux bons. Dis-moi alors où est la justice de faire subir aux enfants de tels maux, qu'il nous répugne souvent de les rappeler, tandis que vous ne rougissez point d'introduire ces mêmes peines dans le paradis, quand même nul n'eût péché ? Nul n'est créé mauvais, dis-tu, c'est-à-dire avec le péché originel : quelle justice leur impose donc un joug pesant, depuis le jour qu'ils sont sortis du ventre de leur mère[^14] ? joug tellement misérable, qu'il est plus facile de le pleurer que de l'expliquer. Le péché, dis-tu, ne saurait passer du possible au nécessaire, ou de volontaire n'être plus volontaire : et nous avons montré que cela était possible eu celui qui dit: « Je fais le mal que je ne veux pas[^15]». Vous attribuez cela à la violence de l'habitude et nous aux liens de l'origine viciée : vous voyez néanmoins que le péché de possible devient nécessaire, et vous ne rougissez point de vos règles fourbes et difformes. Vous accordez qu'il a pu arriver quelque chose de semblable au genre humain dans la personne du premier homme, en qui étaient tous les autres, et toutefois, vous êtes loin de nier que, sous la surveillance d'un Dieu très-puissant et très-juste, les enfants endurent tant et de si grandes peines. Vous ne sauriez le nier sans que l'évidence frappe vos regards et vous ferme les yeux. Voyez donc maintenant sur qui retombent vos accusations d'injustice, quand vous voyez évidemment la peine des enfants, tout en niant qu'elle soit méritée par aucun mal.

Tu n'as vu qu'une fausseté, qu'une profanation dans cette parole que j'ai dite, que l'œuvre de l'œuvre le Dieu a passé par l'oeuvre de Dieu : car l'ange est assurément une oeuvre de Dieu. Le péché dès lors, qui est l'œuvre de l'ange, est l'œuvre de l'œuvre de Dieu, et non pas de Dieu lui-même. Et là-dessus, tu me prends à partie, comme si j'avais dit: « Dieu pèche parce que l'homme, « qui est l'ouvrage de Dieu, pèche n : ce que je n'ai dit nullement. Sans doute l'œuvre de Dieu, c'est-à-dire l'ange ou l'homme, a péché; mais le péché est leur oeuvre et non l'œuvre de Dieu: ils sont pour Dieu une oeuvre bonne; mais le péché, qui est leur oeuvre et non celle de Dieu, est une oeuvre mauvaise. Et, toutefois, dire : « Dieu pèche, puisque l'homme, qui est l'oeuvre de Dieu, pèche », parole que je n'ai point dite, comment serait-ce un plus grand mal que nier le péché originel, et dire implicitement que la peine des enfants n'est qu'une injustice, et dès lors un péché de la part de Dieu? Si ce châtiment ne retombe point sur Dieu, il est donc juste; s'il est juste, il est donc la peine du péché. Donc nul ne saurait, en présence de ces peines si grandes et si nombreuses des enfants, prêcher un Dieu juste et nier le péché d'origine. Ce serait, dis-tu, une preuve d'injustice que de créer des méchants, s'il eût lui-même créé le mal qui les rend mauvais : maintenant que les hommes sont méchants, et que Dieu crée en eux ce qui les fait hommes, il suit delà qu'ils deviennent mauvais par cette nature qu'a viciée le péché; même quand Dieu crée les méchants, ce que lui-même crée est bon : car ils deviennent mauvais par le vice qui n'est point la nature, mais ce qu'il crée, c'est bien cette nature qui n'est pas un vice, bien qu'elle soit viciée. Attribuer à une race viciée et justement condamnée le bien de la création, c'est attribuer à l'homme méchant le bien de la vie et de la santé qui le fait homme et non qui le fait méchant.

Tu nous dis encore : « C'est un crime de faire des enfants méchants, en sorte qu'ils seraient forcés à l'iniquité sans pouvoir même vouloir » . Rien ne saurait exercer de contrainte sur ce qui n'est pas encore. Mais s'ils existent déjà, non point, sans doute, dans leur personnalité propre et dans leur condition, mais dans les mystères secrets de lu race, comme Lévi dans les reins d'Abraham[^16] , le vice de la nature qui vient du péché du premier homme les y atteindra pour les faire méchants, et ce n'est point Dieu en les créant qui force à être méchants ces enfants qui ne sauraient vouloir. Considère néanmoins les merveilles de la grâce du Christ dont vous êtes les ennemis. Voilà des enfants qui ne sauraient ni vouloir ni repousser le bien ou le mal, et toutefois quand, nonobstant, leur résistance et leurs cris, ils renaissent par le baptême, ils sont forcés d'être justes et saints. Car indubitablement, s'ils meurent avant l'usage.de la raison, ils seront dans le royaume de Dieu, justes et saints par cette même grâce à laquelle ils sont arrivés, d'une manière à eux possible, mais bien forcément: leur vie sera juste et sainte, et ils fouleront aux pieds, pour les mettre en pièces, tes règles sur le possible et sur le nécessaire. Or, ne point vouloir le mal est assurément mieux que ne pouvoir ni le repousser ni le vouloir: et toutefois, sans le vouloir, il le faisait celui qui disait : « Je fais le mal que je ne veux point ». Je ne suis donc pas atteint de folie, et je ne dis point : « Dieu crée le mal ». Car Dieu crée le bien, lui qui d'une nature même viciée crée non plus le vice, mais la nature. Le vice l'entraîne, il est vrai, non par l'aide, mais par le jugement de Dieu. Mais toi, considère s'il n'y a pas de folie, et même beaucoup de folie pour toi, à soutenir que Dieu fait non plus le mal pénal, ce qui est une justice, mais le mal qui prend le nom d'iniquité: Qu'est-ce autre chose que faire le mal, s'il fait peser ou laisser peser de si grands maux, sur des enfants quine sont coupables d'aucune faute ? Toutefois, ce n'est pas à moi de t'adresser la parole et de te confondre, mais c'est à l'Église universelle à souffler sur toi et t'exorciser s'il est possible, elle qui, selon toi, souffle en vain sur les enfants et les exorcise inutilement.

  1. Lib. II de Nupt. et Concup., c. 17.

  2. Matth. V, 45.

  3. Ezéch. XVIII, 32.

  4. Rom. II, 4.

  5. Matth. XIV, 17.

  6. II Cor. II, 3.

  7. Ps. CXVIII, 75.

  8. Id. CIII, 25.

  9. Du Mariage de la Concup., 1. II, c. 17.

  10. Matth. V, 45.

  11. Rom. IX, 22 et 23.

  12. I Cor. I, 31.

  13. Sap. IV, 25

  14. Eccl. XL, 1.

  15. Rom. VII, 19.

  16. Hebr. VII.

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Contre la seconde réponse de Julien

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