• Home
  • Works
  • Introduction Guide Collaboration Sponsors / Collaborators Copyrights Contact Imprint
Bibliothek der Kirchenväter
Search
DE EN FR
Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE SIXIÈME. LE SIXIÈME LIVRE DE JULIEN.

9.

Julien. Notre tâche est donc aujourd'hui de mettre en évidence votre stupidité d'esprit; ensuite nous montrerons, comme nous l'avons déjà fait bien souvent, que vous n'êtes pas à un pied de distance du bouge et des orgies des Manichéens. Tout d'abord, c'est une inqualifiable folie que de prétendre que le libre arbitre se propage avec le sang, et d'implanter les actes de la volonté dans la conception : de supprimer toute différence de nature et de goût, pour proclamer que la volonté de nos premiers parents, qui est, de la dernière évidence, de la plus grande étendue, a passé à leur postérité, erreur qui est réfutée de toutes parts. Jamais les fils des savants n'ont reproduit dans leurs vagissements le talent de leurs pères, ni le fils du comédien n'a su ajuster aux paroles les gestes de ses mains, ni le fils du guerrier demandé au peuple le clairon des batailles. On pourrait ainsi chercher en tous des exemples dont la voix parlerait plus haut que le tonnerre. L'univers entier répondra que la nature a ses limites et la volonté d'autres limites; et que les conditions de la génération peuvent subir l'influence des tendances et des goûts. C'est donc une folie, c'est une niaiserie sans nom, de prétendre qu'un acte qui est volontaire, comme tu l'avoues, est devenu une seconde nature. Mais voici qui est bien plus stupide encore, c'est de prétendre, comme tu le fais, que la possibilité d'agir est perdue dès le commencement même de l'action, c'est-à-dire que le libre arbitre, qui n'est autre chose que la faculté de pécher ou de ne point pécher, sans subir aucune violence de part ni d'autre, mais avec la faculté de se porter spontanément où il lui plaît, que ce libre arbitre, dis-je, dès qu'il s'est porté quelque part, a perdu tout pouvoir de se porter soit là, soit d'un autre côté, sur l'une et sur l'autre.

Augustin. Peux-tu bien être aussi aveugle? Avec ton bavardage écumeux et ampoulé, tu viens en aide au Manichéen, sans le savoir, il est vrai, mais tout directement. Qu'il nous demande, en effet, d'où vient le mal, question qui suffit bien souvent pour troubler des esprits peu instruits; nous lui répondons qu'il vient de la libre volonté de la créature raisonnable. Qu'il nous demande encore d'où viennent ces misères sans nombre qui ne sont pas seulement l'apanage de ceux qui sont nés, et qui avec l'âge usent arbitrairement de leur volonté, mais avec lesquelles nous naissons tous, ou du moins la plupart. Tous, en effet, nous naissons avec la convoitise de la chair, qui fait soulever cette chair contre l'esprit, même quand cet esprit est imbu de la véritable foi et des leçons de la piété : tous nous apportons en naissant cette lenteur d'esprit qui pèse même sur ceux que nous appelons hommes de talent, puisque ce n'est point sans une certaine difficulté de travail qu'ils peuvent se cultiver dans l'étude d'un art quelconque et même des arts appelés libéraux, ou même dans la science de la religion. Tel vient au monde avec certaine difformité corporelle, quelque monstruosité; beaucoup sont oublieux, beaucoup n'ont qu'une intelligence lente et bornée, beaucoup sont enclins à la colère, à la luxure, d'autres mêmes naissent tout à fait hébétés ou insensés. Que peut répondre ici la foi catholique, sinon que tous ces maux nous viennent du péché d'Adam, qui le fit chasser du paradis, c'est-à-dire du lieu de délices; qu'ils nous viennent de cette nature viciée par la souillure du péché ? Que nul n'ait péché, et le paradis n'eût point vu ces misères ni aucun autre vice.

Alors le Manichéen, s'il connaissait tes réponses, nous dirait avec toi qu'il est de la dernière démence de penser que le libre arbitre se transmet par la voie du sang, et d'implanter les actes de la volonté dans la conception; il ajouterait ce que tu ajoutes, pour prouver ton opinion, que les fils des savants ne naissent point savants, ni les fils d'histrions, histrions, ni les fils des guerriers, guerriers. Un Manichéen saisirait le secours que tu lui offres, pour réfuter ce que nous avançons, que le péché du premier homme a vicié la nature humaine jusque dans sa postérité, qui était en lui comme dans son germe, quand il commit cette grande prévarication, et pour nous réfuter, il met en avant son mélange de deux natures, affirmant qu'il faut attribuer à ce mélange de la nature mauvaise les maux que nous apportons en naissant. Mais toi, pour me répondre, tu as recours à l'absurdité la plus sotte comme la plus détestable, en soutenant que ces maux d'origine seraient nés même dans le paradis, quand même nul n'aurait péché. Alors le Manichéen va te forcer à dire d'où ils seraient nés. Ainsi serré de tout près, si tu réponds que ces maux ,auraient surgi des natures mêmes de ceux qui naissent, et sans aucune faute de volonté, tu accuses le Créateur, et pour ne point l'accuser tu dois recourir à la culpabilité des. volontés mauvaises. Mais de quelle volonté? te demandera-t-il ; car un germe n'a point de volonté, non plus que l'enfant qui vient, de naître. Que reste-t-il donc, sinon de comprendre avec nous, si tu veux échapper au Manichéen et le vaincre, qu'il y a dans les secrets.de,notre origine, et le germe de celui qui doit naître, et le mérite provenant de la volonté, perverse du générateur; mais que le péché du premier homme fut tel qu'il jeta sur le genre humain tout entier une condamnation générale, pour me servir des paroles du. bienheureux Jean[^1]? D'où il ressort évidemment que ces maux n'auraient point surgi si nul n'eût péché ; et qu'ils n'auraient pu exister dans le paradis, d'où les, premiers pécheurs furent, chassés avant. d'avoir. enfanté.

Ce dogme catholique met à néant ce que tu as cru ajouter au sujet des . arts, en nous disant que nul ne vient au monde, avec l'art de son père. Autre est, en effet le péché contre les moeurs qui sont les règles de la vie, faute que punissent ou les lois ou le jugement divin, et autre la faute contre les arts, soit honnêtes, soit déshonorants, lorsqu'on dit que l'on agit contrairement à tel art. Ces sortes de fautes ne trouvent aucun châtiment dans les lois ou les vengeances divines ; mais les hommes habiles dans ces sortes d'arts, les maîtres surtout qui les enseignent aux enfants, les punissent par la crainte et quelquefois par des châtiments corporels. Ici, néanmoins, nous devons penser que si, dans le paradis, il eût fallu étudier quelque chose d'utile à cette sorte de vie, notre nature bienheureuse l'eût acquis sans effort et sans douleur, soit par elle-même, soit par les leçons de Dieu. Dès lors, qui ne comprendra point que nos difficultés pour apprendre fassent partie des peines de cette vie, qui d'un seul se propage en nous tous pour notre malheur? De là aussi cette profonde misère pour des esprits malheureux, de ne pas vouloir le bien, ou, si Dieu y dispose notre volonté, d'avoir à pousser ce gémissement tant que nous sommes en cette vie : « La volonté du bien est en moi, mais non le moyen de l'accomplir[^2] » . Avec cette croyance tu triompheras du Manichéen;. mais parce qu'elle n'est pas en toi, cette croyance vous confondra l'un et l'autre.

  1. Jean Chrys , Lettre à Olymp,

  2. Rom VII, 18.

pattern
  Print   Report an error
  • Show the text
  • Bibliographic Reference
  • Scans for this version
Download
  • docxDOCX (807.81 kB)
  • epubEPUB (782.29 kB)
  • pdfPDF (3.06 MB)
  • rtfRTF (2.97 MB)
Translations of this Work
Contre la seconde réponse de Julien

Contents

Faculty of Theology, Patristics and History of the Early Church
Miséricorde, Av. Europe 20, CH 1700 Fribourg

© 2025 Gregor Emmenegger
Imprint
Privacy policy