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Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE SIXIÈME. LE SIXIÈME LIVRE DE JULIEN.

19.

Julien. Mais, va nous dire quelqu'un, oseras-tu nier que cette innocence dans laquelle il avait été créé fut perdue par le péché ? Quoique la possibilité de retourner au bien ne soit point en effet détruite par le péché, il est certain, toutefois, que le mérite de cette innocence dans laquelle fut créé le genre humain, se perd par le vice de la volonté. Qu'il en soit ainsi, je n'en disconviens lias ; et c'est ce que je veux éclaircir par les exemples cités. En effet, dès qu'il est dans la condition de ces qualités qui nous font appeler bons ou méchants, d'agir au gré de la volonté, et qu'il est ici quelque chose de si strictement établi, que même l'innocence, qui devance chez l'homme tout acte de volonté et lui est naturelle, ne pourrait néanmoins se maintenir dans une âme qui la repousserait, ce droit de la volonté est tellement supérieur du côté du mal, qu'une faute commise volontairement ne subit aucune tyrannie, en entraînant la raison à sa perte. Saris doute une bonne qualité, échue à l'homme dans sa création, n'était point immuable (car on ne saurait dire qu'un homme est libre, s'il ne peut varier ses propres mouvements) ; à plus forte raison une qualité mauvaise n'a pu lui échoir, comme immuable et rationnelle ; autrement la liberté sentirait du côté du mat une influence que, dans sa constitution, elle n'avait pu supporter de la part du bien.

Augustin. Tu as donc enfin trouvé, et quoique bien tard ton intelligence te fournit de quoi détruire tes sentiments téméraires. Tu as dit, en effet, « qu'un bien naturel, qui est l'innocence, peut périr par le vice de la volonté » ; et dès lors tu as démontré que l'on peut perdre un bien si précieux, qui est tellement dans la nature, non du corps, mais de l'esprit, que Dieu, en formant l'homme, l'a gratifié d'un tel bien. Qu'une telle pensée te fût venue à l'esprit auparavant, tu n'aurais point vu une horreur, une monstruosité à dire « qu'un être est bon, quand il pourrait perdre ses biens, même naturels», puisque tu en viens toi-même à croire qu'en fait des biens et des maux, mais volontaires, on peut les perdre ; tandis qu'il est habituel chez toi de prêcher que les biens de la nature sont inamissibles. Tu as dit, en effet, ailleurs « que les qualités naturelles d'une substance persévèrent en elle du commencement à la fin », dans le dessein de prétendre que l'homme ne saurait perdre ce libre arbitre dont Dieu l'a gratifié en le créant, surtout que tu soutiens que les maux de la volonté ne sauraient effacer les biens de la nature. Aussi nous accusez-vous de vouloir tourner tout en mal, comme si nous disions que les maux de la volonté sont inamissibles, tandis que l' on peut perdre les biens de la nature : ce qui est loin de nous, puisque nous enseignons que l'on peut perdre les uns et les autres, mais que les maux causés par une volonté libre peuvent être effacés par la divine miséricorde, ou par la volonté humaine, délivrée toutefois par Dieu et préparée par le Seigneur. Pour toi, qui nous dis qu'une volonté mauvaise peut,nous faire perdre les biens de la volonté, non ceux de la nature, voilà que tu- as trouvé et même avancé que l'innocence, qui est un bien de la nature, peut se. perdre par, le mal de la volonté. Et l'innocence, pour peu que tu y réfléchisses, est un bien , supérieur au libre arbitre, puisque l'innocence ne se compte que parmi les biens, tandis que le libre arbitre se compte parmi les biens et parmi les maux.

Mais une question qui n'est pas à mépriser est de savoir si un acte dépravé de la volonté peut tuer l'innocence de manière que la bonne volonté ne la puisse recouvrer. De même, en effet, qu'un acte de volonté ne saurait nous rendre des membres qu'un acte de volonté nous a enlevés, voyons également, sur un terrain bien dissemblable, à la vérité, celui de l'esprit, s'il n'en est pas de même quant à la perte de l'innocence, si nous pouvons la perdre par un mouvement volontaire, et non la recouvrer. Car, au sujet de la virginité, par exemple, qu'elle périsse par une volonté impure, on peut revenir à la pudeur, mais à la virginité, jamais. Toutefois on répond encore que l'intégrité virginale de la chair est plutôt corporelle que spirituelle; et que, dès lors que la dispute roule sur l'innocence et sur un sujet spirituel, il nous faut considérer si, après le péché, la volonté ne nous ramène pas plutôt à la justice qu'à l'innocence, comme elle nous ramène à la pudeur, et non à la virginité. De même, en effet, que l'injustice est opposée à la justice, de même à l'innocence on oppose non point l'injustice, mais la culpabilité que la volonté de l'homme ne saurait détruire, bien qu'elle vienne de son fait. Croire, en effet, qu'un pénitent efface complètement sa faute, c'est n'être point dans la vérité : c'est Dieu sans doute qui nous donne la pénitence, comme l'Apôtre nous l'affirme dans cette parole: « Dieu peut un jour leur accorder la pénitence[^1] », mais il est clair que Dieu efface la culpabilité, en octroyant à l'homme son pardon, et non l'homme en faisant pénitence. Il faut en effet nous souvenir de « celui qui ne trouva point lieu à la pénitence, bien qu'il la demandât avec larmes[^2] ». Il y eut donc chez lui et repentir et culpabilité, puisqu'il n'obtint pas son pardon: et ceux-là aussi qui diront en eux-mêmes, « se repentant. et gémissant dans l'angoisse de leur esprit : De quoi nous a servi notre orgueil[^3] ? » ceux-là aussi demeureront coupables éternellement, puisqu'ils n'obtiendront point leur pardon; de même que celui dont le Seigneur a dit : « Il n'obtiendra point là ;rémission, et demeurera coupable d'un péché éternel[^4] ». Telle est la preuve que l'innocence, ce grand bien de l'homme, bien de la nature, puisqu'elle échut au premier homme, lors de sa création, et que, selon vous, tout homme l'apporte en naissant, se peut perdre par la volonté de l'homme et ne peut se recouvrer ; et la culpabilité, ce grand mal opposé à l'innocence, voilà qu'il est au pouvoir de l'homme de l'encourir, puisque cela dépend de la volonté; mais non de s'en laver. Comprends-tu comment se trouve en défaut cette règle. que tu fais générale, et d'après laquelle tu prétendais que nous ne saurions perdre volontairement un bien qui est naturel: quand nous prouvons que non-seulement on peut le perdre, mais aussi qu'il n'est pas au pouvoir de la volonté, du moins humaine, de 1e recouvrer ? Quant à Dieu, il peut effacer notre faute et nous rappeler à l'innocence. Pourquoi donc refuser de croire que la liberté de faire le bien se peut perdre par la-.volonté humaine, et ne peut se recouvrer que par la volonté divine ; quand tu entends. dire à l'homme : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas[^5]» ; et qu'après de telles paroles, il s'écrie : « Qui me délivrera ? » puis ajoute : « La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur[^6] ? » Mais, diras-tu, ce serait à tort qu'on dirait que l'homme est libre, s'il ne pouvait varier ses propres mouvements. Tu ne vois point que tu enlèves la liberté à Dieu lui-même, et à nous, puisque nous ne pourrons plus nous tourner, soit du côté du mal, soit du côté du bien, quand nous commencerons à goûter dans son royaume l'impérissable vie. Et toutefois notre liberté n'en sera que plus heureuse, alors que nous ne pourrons plus être esclaves du péché, non plus, que Dieu lui-même, mais que lors nous serons par sa grâce ce qu'il est par nature.

  1. II Tim. II, 25.

  2. Hébr. XII, 17.

  3. Sap. V, 3.

  4. Marc, VII, 29.

  5. Rom. VII, 15.

  6. Id, 24, 25.

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Contre la seconde réponse de Julien

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