24.
Julien. Mais pourquoi t'émouvoir de ce que l'on poursuit l'innocence quand le respect dû à Dieu n'arrête ni l'insolence ni l'orage d'une bouche obscène? C'est avec Dieu, en effet, que tu accuses les enfants; c'est en outrageant l'équité, que tu poursuis l'innocence; c'est en incriminant le Dieu que tu proclames le tien, que tu nies la vérité. Et par là, quand le secours de la raison nous manquerait, le transmetteur du péché succomberait sous l'horreur de ses assertions.
Augustin. Dans ton injurieuse,loyauté, tu me fais une bouche obscène ; serais-je donc le champion et l'apologiste de la luxure? Est-ce donc moi qui ai osé mettre en possession du paradis cette convoitise de la chair, qui la soulève contre l'esprit ? Dans ce lieu si agréable, si pacifique, tu as introduit tout à la fois on la guerre, si l'on résiste honorablement aux impulsions du péché, ou la flétrissure, si l'on y cède honteusement. Pourquoi donc t'élever si insolemment contre moi, sans te regarder toi-même ? Ce n'est point moi qui accuse Dieu, mais c'est toi, en disant que le péché originel n'est point transmis à ces enfants que Dieu accable d'un joug si lourd. Je ne poursuis point l'innocence au mépris de toute justice ; mais c'est au mépris de la justice que tu revêts les enfants d'une telle innocence; car la suprême justice ne les accablerait point d'un tel joug, si elle voyait la vérité dans tes doctrines. Je ne fais ni violence à la vérité, ni outrage à Dieu ; mais toi, plutôt, car cette parole de l'Apôtre est vraie : « Le corps est mort à cause du péché[^1] », ce que tu nies. Comment donc ne serait-ce point outrager Dieu que lui attribuer ces misères de l'enfance que tu ne saurais nier, quand, l'enfance n'a mérité ces misères par aucun péché ? Et dès lors, ta conclusion, qui nous reproche la honte, manque de raison et de vérité.
- Rom. VIII, 10.