3.
Ce fut ainsi que l'abbé Macaire, qui habita, le premier, la solitude de Schethé, ressuscita un mort. Un hérétique qui suivait l'erreur d'Eunomius s'efforçait de troubler la foi des fidèles par la subtilité de ses raisonnements, et il en avait déjà égaré un grand nombre. Quelques catholiques, qui gémissaient de ce malheur, supplièrent l'abbé Macaire de venir délivrer l'Égypte du fléau qui la menaçait. L'hérétique espéra vaincre par les artifices de la logique et par les syllogismes d'Aristote cet homme simple et ignorant; mais le bienheureux Macaire coupa court à tous ses discours en lui disant : « Le règne de Dieu n'est pas dans les paroles, mais dans la vertu. Allons aux tombeaux et invoquons le nom de Dieu sur le premier mort que nous trouverons; nous montrerons ainsi qu'il est écrit « notre foi par nos oeuvres » (II Cor., IV), et nous ferons connaître par son témoignage la bonté de notre foi. Ce ne sera pas une vaine discussion, mais un mi-racle qui établira la vérité; cette preuve ne pourra tromper personne. » Ce discours troubla l'hérétique; mais comme il était entouré de peuple, il parut accepter la proposition, et remit l'épreuve au lendemain. Le jour suivant, une grande multitude accourut au lieu désigné, dans l'attente de ce qui allait se passer; mais l'hérétique, convaincu d'infidélité par sa con-science, prit la fuite et quitta même l'Égypte. Le bienheureux Macaire l'attendit avec le peuple jusqu'à l'heure de none; et lorsqu'il vit qu'il avait cru devoir éviter le rendez-vous, il conduisit aux tombeaux tous ceux qu'il avait égarés.
Il y a, parmi les Égyptiens, un usage qui vient de l'inondation du Nil. Le fleuve couvre tout le pays et le rend semblable à une mer immense; et comme les eaux ne permettent pas pendant longtemps d'ensevelir les corps dans la plaine, on les transporte dans des grottes élevées, après les avoir embaumés avec des parfums. Sans cela l'humidité empêcherait de creuser les fosses, et l'eau rejetterait bientôt les morts et les entraînerait. Le bienheureux Macaire s'arrêta donc à une tombe très-ancienne, et dit au mort : « O homme , si cet hérétique, ce fils de perdition était venu ici avec moi, et si je t'eusse appelé, en invoquant le nom du Christ, mon Dieu, dis-moi si tu te serais levé devant cette foule qui a été presque séduite par cet imposteur? » Le mort se leva, et répondit que oui. L'abbé Macaire alors lui demanda ce qu'il avait été pendant sa vie, à quelle époque il avait vécu, et s'il avait connu le Christ. Le mort répondit qu'il avait vécu sous les plus anciens rois, et qu'il n'avait pas entendu parler du Christ. « Dors en paix maintenant, lui dit l'abbé Macaire , pour être réveillé à ton rang, avec les autres, par le Christ, à la fin des siècles. » Cette vertu, cette puissance de l'abbé Macaire eût été peut-être toujours ignorée , si le danger que courait toute une province de perdre la foi, et son zèle, son amour pour Notre-Seigneur ne l'eussent porté à faire un miracle. Il le fit, non par vaine gloire, mais par charité, pour être utile au peuple. C'est ainsi que nous voyons, dans le livre des Rois, Élie faire descendre le feu du ciel sur les victimes placées sur le bûcher, afin de défendre la foi des Juifs contre les artifices des faux prophètes.