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Works John Cassian (360-435) Collationes patrum Conférences de Cassien sur la perfection religieuse
DEUXIÈME CONFÉRENCE DE CASSIEN AVEC L'ABBÉ MOYSE : DE LA DISCRÉTION

11.

Lorsque j'étais enfant, disait-il, et que je demeurais avec l'abbé Théon, le trompeur m'avait fait prendre l'habitude de dérober un petit pain après le repas que je faisais avec ce vieillard, à l'heure de none. Je le cachais chaque jour dans mon sein, et je le mangeais le soir en cachette. J'accomplissais ce vol par gourmandise et j'en contractais de plus en plus l'habitude. Et cependant, lorsque j'avais satisfait ma coupable sensualité, je rentrais en moi-même; je souffrais beaucoup plus que je n'avais eu de plaisir à commettre la faute ; je gémissais au fond du coeur d'obéir au démon qui me violentait, comme les officiers de Pharaon tourmentaient les Hébreux; mais je ne pouvais me soustraire à sa tyrannie , et je n'osais pas confesser mon larcin au saint vieillard , lorsque Dieu permit, pour me délivrer de ma servitude , que quelques solitaires vinssent lui faire visite pour en obtenir quelques paroles d'édification.

Après le repas, la conférence commença, et le saint vieillard, pour répondre aux questions qu'on lui faisait, se mit à parler sur le vice de la gourmandise , sur l'empire des pensées secrètes et sur la violence qu'elles exercent, tant qu'on les tient cachées. Ce discours me bouleversa; les remords de ma conscience me firent croire qu'il s'adressait à moi, et que Dieu avait révélé au vieillard les secrets de mon coeur. J'étouffai d'abord mes gémissements; mais, ma douleur augmentant toujours, j'éclatai bientôt en sanglots et en larmes; je tirai de mon sein, qui avait si souvent recélé mon vol, le petit pain que j'avais pris pour le manger comme à l'ordinaire; je le montrai, déclarant que j'en mangeais en cachette un semblable tous les jours ; je me prosternai par terre, confessant ma faute aux assistants, leur demandant pardon , et implorant avec larmes leurs prières , afin qu'ils obtinssent de Dieu ma délivrance de cette dure captivité. «Ayez confiance, mon enfant, me dit le saint vieillard, vous n'avez pas besoin de ma parole, votre confession vous a déjà délivré ; vous avez triomphé aujourd'hui de l'ennemi qui vous avait vaincu. Votre aveu l'a plus abattu que votre silence ne vous avait abattu vous-même. Vous aviez permis qu'il vous dominât jusqu'à cette heure, en ne le confondant ni par vous , ni par un autre. Salomon l'a dit : « C'est parce que l'on ne contredit pas ceux qui font mal, que le coeur des enfants des hommes est rempli d'iniquités. » (Eccles., VIII, 11.) Maintenant qu'il se voit découvert, l'esprit mauvais ne pourra plus vous inquiéter; le serpent infernal ne trouvera plus à se cacher en vous; car votre confession l'a tiré des ténèbres de votre coeur à la grande lumière. » A peine le saint vieillard avait-il cessé de parler, qu'une flamme ardente parut sortir de mon sein et remplit la cellule d'une odeur de soufre, et l'infection en était si grande, qu'on pouvait à peine y rester. Le saint vieillard reprit la parole et dit : « Voici que le Seigneur approuve visiblement la vérité de ce que j'avance. Vous venez de voir vous-même que votre confession salutaire a chassé de votre coeur celui qui vous portait au mal , et vous verrez que, grâce à cet aveu public, l'ennemi découvert n'aura plus de prise sur vous. »

Et, en effet, selon la promesse du vieillard, la confession que je fis de ma faute me délivra tellement de cette tyrannie du démon, que l'ennemi ne chercha pas même depuis à me rappeler cette gourmandise, et que je n'eus jamais la pensée d'un pareil larcin. C'est ce qui est très-bien expliqué dans l'Ecclésiaste : « Si le serpent mord sans siffler, l'enchanteur n'y peut rien » (Eccles., X, 11), c'est -à- dire que la morsure d'un serpent dont on ne parle pas est dangereuse, et que si on ne confesse pas la tentation secrète du démon à un enchanteur , à un homme éclairé qui puisse, au moyen des belles sentences de la sainte Écriture , soigner la blessure sur-le-champ et retirer du coeur le venin dangereux du serpent, il sera impossible de nous secourir, et notre perte sera inévitable.

Ainsi le meilleur moyen d'acquérir la science d'une véritable discrétion est de suivre les exemples des anciens , de ne rien innover, de ne rien décider d'après notre propre jugement, mais de nous diriger en toute chose d'après leurs traditions et leur sainte vie. Celui qui suivra cette règle arrivera non-seulement à une discrétion parfaite , mais encore sera préservé de toutes les attaques de l'ennemi. Car il n'y a pas de faute qui serve tant au démon à perdre un religieux , que de négliger le conseil des supérieurs pour suivre son jugement et sa propre doctrine. Si tous les arts et toutes les professions inventés par le génie de l'homme, pour les seules jouissances de cette vie passagère, ne peuvent s'apprendre, quoiqu'ils soient palpables et visibles, que par l'intermédiaire d'un maître, combien ne seraient-ils pas insensés de croire qu'on peut se passer d'un directeur dans un état où tout est invisible et caché, où la plus grande pureté de coeur est nécessaire pour se conduire, et où une erreur cause , non pas un dommage temporel facile à réparer, mais la perte de l'âme et la mort éternelle. Il ne s'agit pas d'adversaires visibles, mais d'ennemis invisibles et cruels qui nous attaquent jour et nuit; ce n'est pas à un ou deux ennemis qu'il faut résister dans ce combat intérieur, mais à des légions innombrables; et le danger est d'autant plus grand que l'ennemi est plus acharné et ses attaques plus secrètes. Il faut donc suivre avec grand soin les traces des anciens , et découvrir à nos supérieurs tout ce qui se passe dans le secret de notre coeur, sans écouter une fausse honte.

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Conférences de Cassien sur la perfection religieuse
Vierundzwanzig Unterredungen mit den Vätern (BKV) Compare
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Avant-Propos des Conférences de Cassien sur la perfection religieuse
Einleitung: Vierundzwanzig Unterredungen mit den Vätern

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