10.
Il y en a quelques-uns que le long silence de la solitude rend tellement sauvages, qu'ils ont en horreur la société de leurs semblables; et quand la visite de leurs frères vient un peu troubler leur retraite, ils laissent paraître toute la peine et l'ennui qu'ils en ressentent. Cela vient surtout de ce qu'ils ne se sont pas assez formés dans les monastères , et qu'ils se sont trop hâtés d'embrasser la vie des anachorètes, avant de s'être délivrés d'abord de leurs défauts. Aussi restent-ils imparfaits dans les deux professions, et se laissent-ils aller au moindre souffle qui les agite. Car si les visites et les entretiens de leurs frères causent leurs impatiences, cette solitude qu'ils recherchent leur pèse également; et ils ne peuvent supporter ce silence continuel, dont ils ne comprennent pas les avantages. Ils s'imaginent que toute la vertu, et la perfection d'un anachorète consistent à éviter la société de ses semblables, à fuir et. à détester la vue des hommes.