16.
L'ABBÉ JEAN. Voire question si sage a prévenu ce que j'allais vous dire, si vous ne m'aviez pas interrogé. Aussi vous comprendrez parfaitement ce que je vous dirai, puisque vous avez deviné ma réponse. La difficulté est facile à résoudre, lorsqu'on pose si bien le problème. Pour guérir les défauts dont nous avons parlé, les rapports avec nos semblables sont avantageux, au lieu d'être nuisibles; car plus nous éprouvons vous des mouvements d'impatience, plus nous avons à nous repentir, et plus nous nous relevons promptement de nos chutes. Aussi, lorsque nous sommes dans la solitude, et que les hommes ne nous donnent pas de sujets de nous impatienter, nous devons nous procurer nous-mêmes les occasions de nous éprouver, afin de nous vaincre dans le combat et de nous mieux corriger. Mais il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de l'impureté. Il faut éloigner de nos sens tout ce qui pourrait les troubler, et bannir de nos âmes toute pensée dangereuse. Un simple souvenir est un danger pour les personnes qui sont encore faibles, et qui éprouvent des tentations en se rappelant quelques saintes femmes ou quelques histoires de la Bible. Aussi nos supérieurs évitent-ils très-sagement ces histoires, dans les lectures qui se font en présence de jeunes religieux.
Pour les parfaits certainement les occasions ne manqueront pas d'éprouver leur vertu, et de voir, dans la sincérité de leur coeur, s'ils possèdent la pureté véritable. Ceux qui sont vraiment chastes pourront s'exercer sur ce point comme sur les autres, et reconnaître s'ils ont arraché jusqu'à la racine du mal, en s'arrêtant quelquefois à des pensées qui pourraient les troubler. Mais je ne conseillerais jamais cette épreuve aux faibles qui ne peuvent songer à une femme sans être émus; l'épreuve serait plus nuisible que salutaire. Ils trouveraient ce qu'ils fuient, et l'essai qu'ils feraient serait le mal même. Pour celui qui est arrivé à un tel degré de pureté, qu'aucune image , aucune pensée voluptueuse ne peut le tenter et agiter ses sens, il aura la preuve qu'il est parvenu à une vertu parfaite. Il sera chaste, non-seulement dans son âme, mais aussi dans son corps, et s'il est obligé, par hasard, de toucher une femme , il n'en ressentira aucune émotion.
C'est ainsi que s'exprima l'abbé Jean; il termina la conférence, lorsqu'il vit approcher l'heure de none et du repas des religieux.