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The Divine Institutes
Chap. XVII.--Of the Equity, Wisdom, and Foolishness of Christians.
I have explained the reason why philosophers were unable either to find or to defend justice. Now I return to that which I had purposed. Carneades, therefore, since the arguments of the philosophers were weak, undertook the bold task of refuting them, because he understood that they were capable of refutation. The substance of his disputation was this: "That men 1 enacted laws for themselves, with a view to their own advantage, differing indeed according to their characters, and in the case of the same persons often changed according to the times: but that there was no natural law: that all, both men and other animals, were borne by the guidance of nature to their own advantage; therefore that there was no justice, or if any did exist, it was the greatest folly, because it injured itself by promoting the interests of others." And he brought forward these arguments: "That all nations which flourished with dominion, even the Romans themselves, who were masters of the whole world, if they wish to be just, that is, to restore the possessions of others, must return to cottages, and lie down in want and miseries." Then, leaving general topics, he came to particulars. "If a good man," he says, "has a runaway slave, or an unhealthy and infected house, and he alone knows these faults, and on this account offers it for sale, will he give out that the slave is a runaway, and the house which he offers for sale is infected, or will he conceal it from the purchaser? If he shall give it out, he is good indeed, because he will not deceive; but still he will be judged foolish, because he will either sell at a low price or not sell at all. If he shall conceal it, he will be wise indeed, because he will consult his own interest; but he will be also wicked, because he will deceive. Again, if he should find any one who supposes that he is selling copper ore when it is gold, or lead when it is silver, will he be silent, that he may buy it at a small price; or will he give information of it, so that he may buy it at a great price? It evidently appears foolish to prefer to buy it at a great price." From which he wished it to be understood, both that he who is just and good is foolish, and that he who is wise is wicked; and yet that it may possibly happen without ruin, for men to be contented with poverty. Therefore he passed to greater things, in which no one could be just without danger of his life. For he said: "Certainly it is justice not to put a man to death, not to take the property of another. What, then, will the just man do, if he shall happen to have suffered shipwreck, and some one weaker than himself shall have seized a plank? Will he not thrust him from the plank, that he himself may get upon it, and supported by it may escape, especially since there is no witness in the middle of the sea? If he is wise, he will do so; for he must himself perish unless he shall thus act. But if he choose rather to die than to inflict violence upon another, in this case he is just, but foolish, in not sparing his own life while he spares the life of another. Thus also, if the army of his own people shall have been routed, and the enemy have begun to press upon them, and that just man shall have met with a wounded man on horseback, will he spare him so as to be slain himself, or will he throw him from his horse, that he himself may escape from the enemy? If he shall do this, he will be wise, but also wicked; if he shall not do it, he will be just, but also of necessity foolish." When, therefore, he had thus divided justice into two parts, saying that the one was civil, the other natural, he subverted both: because the civil part is wisdom, but not justice; but the natural part is justice, but not wisdom. These arguments are altogether subtle and acute, 2 and such as Marcus Tullius was unable to refute. For when he represents Laelius as replying to Furius, and speaking in behalf of justice, he passed them by as a pitfall without refuting them; so that the same Laelius appears not to have defended natural justice, which bad fallen under the charge of folly, but that civil justice which Furius had admitted to be wisdom, but unjust. 3
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Institutions Divines
XVII.
Après avoir expliqué la raison pour laquelle les philosophes n'ont pu ni trouver la justice ni la défendre, je reprendrai le sujet que j'avais quitté. Carnéade ayant reconnu la faiblesse des arguments dont les autres philosophes se servaient pour défendre la justice, entreprit de les réfuter. Son raisonnement se réduisait à peu près à dire : que les hommes ont fait des lois différentes selon la diversité de leurs intérêts et de leurs mœurs; qu'ils les ont quelquefois changées selon les rencontres, et n'ont point observé le droit naturel ; que les hommes et les bêtes elles-mêmes n'agissent naturellement que pour leur bien, et qu'ainsi, ou il n'y a point de justice, ou s'il y en a, ce n'est qu'une folie, puisqu'elle nous cause du préjudice en nous faisant procurer les avantages des autres. De ce principe, il tirait cette conséquence : que si les Romains, qui étaient maîtres d'une des plus belles parties de l'univers, et les autres peuples qui jouissaient d'une puissance fort considérable, voulaient garder la justice et rendre ce qu'ils avaient usurpé, ils seraient obligés de retourner aux cabanes de leurs premiers fondateurs, et de languir dans l'extrémité de la pauvreté et de la misère. Il descendait de ces propositions générales à d'autres plus particulières, et raisonnait de cette sorte : « Si un homme de bien a un esclave qui soit enclin à s'échapper et à s'enfuir, et a une maison bâtie en mauvais air, et qu'il n'y ait que lui qui ait connaissance de ces défauts-là, le déclarera-t-il à celui qui veut acheter sa maison ou son esclave, ou s’il les dissimulera? S'il déclare que son esclave s'enfuit souvent et qu'il y a danger de le perdre, il agira en homme de bien de ne vouloir point tromper un acquéreur ; mais il passera pour fou de se mettre en état de ne pouvoir vendre, ou de ne vendre qu’à vil prix. S'il use de déguisement et qu'il supprime ces défauts, il sera prudent et fera bien ses affaires; mais il sera aussi de mauvaise foi, et trompera celui avec qui il traite. Que s'il se trouve un marchand qui lui montre de l'or à vendre, dans la croyance que ce n'est que du cuivre, ou de l'argent, dans la croyance que ce n'est que de l’étain, le dissimulera-t-il pour acheter bon marché, ou s’il le déclarera pour acheter cher? C'est sans doute une folie d'acheter chèrement ce que l'on peut avoir à bon marché. » Il inférait de là que quiconque est homme de bien est fou, et quiconque est sage est méchant. Comme il avouait que l'on peut être content dans la pauvreté, il passait à d'autres hypothèses, par lesquelles il semblerait que l'on ne peut garder la justice sans se mettre en danger de perdre la vie. « La justice, disait-il, nous oblige à n'attenter jamais à la vie de qui que et soit, et à ne pas toucher même à son bien. Supposons qu'un homme de bien étant sur mer fait naufrage, et qu'un autre, moins fort que lui, se saisit d'une planche pour se sauver ; la lui arrachera-t-il pour se mettre dessus en sa place et surtout en pleine mer où il n'a aucun témoin de son action ? Il le fera, s'il est sage, et s'il m le fait pas, il sera contraint de périr. S'il aime mieux mourir que de faire violence à un autre, il garde la justice; mais il fera une folie de prodiguer sa vie pour épargner celle d'autrui. Si un homme de bien étant dans un combat voit son parti en déroute, et qu'étant poursuivi par les ennemis il rencontre un blessé à cheval, le jettera-t-il à bas pour monter en sa place, ou bien s'exposera-t-il à être tué en le laissant continuer sa roule? S'il prend le cheval, il sera sage et méchant ; s'il ne le prend pas, il sera fou et homme de bien. »
Voilà comment ce philosophe, ayant entrepris de faire distinction entre la justice civile et la justice naturelle, ruina l'un et l'autre, car il demeure d'accord que dans la justice civile, il y a de la sagesse, mais qu'il n'y a point d'équité, et que dans la justice naturelle il y a de l'équité, mais qu'il n'y a point de sagesse. Ces arguments-là sont également subtils et dangereux. Cicéron n'y a pu répondre. Lélius, qu'il avait chargé de la défense de la justice, les évita comme un écueil, et il semble qu'au lieu de défendre la justice naturelle que Furius avait accusée de folie, il ne défendit que la justice civile, que Furius avouait être conforme à la sagesse, bien qu'il soutînt en même temps qu'elle était contraire à l'équité.