XXII.
Je n'ai rien à dire des plaisirs du goût et de l'odorat, qui sont les deux sens les plus grossiers, et qui ne se rapportent qu'au corps, si ce n'est qu'il serait honteux à un homme et à un homme de bien d'être l'esclave de sa bouche [et de son ventre, de se couvrir de parfums et de fleurs; ce que nul ne peut faire pour peu qu'il ait d'esprit, et pour peu qu'il lui reste de vertu. Quelqu'un demandera peut-être : pour quelle fin ces choses-là ont été mises au monde, s'il n'est pas permis d'en jouir. J'ai déjà dit que la vertu ne pourrait remporter aucune victoire, si elle n'avait des ennemis à combattre. Les attraits de la volupté sont les armes de celui dont l'unique occupation est d'attaquer la vertu et d'exterminer l'innocence ; il enchante l'âme par ces charmes dont il sait que le poison est mortel. Il nous jette dans la mort par le plaisir, de la même sorte que Dieu nous attire à la vie par le travail. Il nous engage dans le véritable mal par de faux biens, de la même sorte que l'on parvient au véritable bien par de faux maux. Il faut donc éviter ces divertissements comme des filets et comme des pièges, de peur qu'ils ne nous assujettissent à l'empire de la mort,