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Works Jerome (347-420) Vies de plusieurs Saintes femmes de Rome
VIE DE SAINTE PAULA, VEUVE.

CHAPITRE VI. De l'admirable patience avec laquelle sainte Paula supportait l'envie et l'insolence des ennemis de sa vertu.

Il est sans aucun doute que l'envie s'attache toujours aux vertus les plus éminentes :

Ces monts qui jusqu’au ciel semblent porter leur tête sont frappés les premiers de coups de la tempête; ce qu'il ne faut pas trouver étrange de voir arriver aux hommes, puisque Notre Seigneur même a été crucifié par la jalousie des pharisiens, et qu'il n'y a point eu de saints qui n'aient été persécutés par les effets de cette passion si cruelle. Le serpent n'est-il pas entré jusque dans le paradis terrestre, et n'a-t-il pas l'ait entrer le péché dans le monde par l'envie qu'il conçut contre nos premiers parents? Dieu avait suscité à Paula, ainsi qu'à David, comme un autre Adad iduméen qui la tourmentait sans cesse pour l'empêcher de s'élever, et qui, lui tenant lieu de cet aiguillon de la chair dont saint Paul se plaint, lui apprenait à ne se laisser pas emporter à la vanité par l'excellence de ses vertus, et à ne se croire pas élevée au-dessus de tous les défauts des femmes.

Sur quoi, lorsque je lui disais qu'il fallait souffrir cette envie, et en quittant Bethléem donner lieu à la folie de ceux qui en étaient tourmentés, ainsi élue Jacob avait fait envers son frère Esaü et David envers Saül, le plus opiniâtre de tous ses persécuteurs, l'un s'en étant fui en Mésopotamie, et l'autre avant mieux aimé se mettre entre les mains des Philistins, quoique ses ennemis, que de tomber en celles de ses envieux, elle me répondait : «Vous auriez raison de me parler de la sorte si le démon ne combattait pas partout contre les serviteurs et les servantes de Dieu, s'il n'arrivait pas plus tôt qu'eux en tous les lieux où ils pourraient s'enfuir , si je n'étais pas retenue ici par l'amour que j'ai pour les lieux saints, et si je pouvais trouver ma chère Bethléem en quelque autre endroit de la terre; mais pourquoi ne surmonterais-je pas par ma patience la mauvaise volonté de ceux qui m'envient? pourquoi ne fléchirais-je pas leur orgueil par mon humilité? et pourquoi , en recevant un soufflet sur une joue, ne présenterais-je pas l'autre, puisque saint Paul me dit : « Surmontez le mal par le bien? » Lorsque les apôtres avaient reçu quelque injure pour l'amour de leur maître, ne s'en glorifiaient-ils pas? notre Sauveur même ne s'est-il pas humilié en prenant la forme d'un serviteur et en se rendant obéissant à son Père jusqu'à la mort, et la mort de la croix, afin de nous sauver par le mérite de sa passion? et si Job n'avait combattu et n'était demeuré victorieux dans ce combat, aurait-il reçu la couronne de justice? et Dieu lui aurait-il dit . « Pourquoi penses-tu que je t'aie éprouvé par tant d'afflictions , si ce n'est pour faire paraître ta vertu?» L'Evangile nomme bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice. C'est assez d'avoir l'esprit en repos, sachant en notre conscience que nous n'avons point donné lieu par notre faute à cette haine de nos ennemis. Les afflictions de ce siècle sont des matières de récompense pour l'autre. »

S'il arrivait que l'insolence de ses ennemis allât ,jusqu'à lui dire des paroles offensantes, elle chantait ces versets des Psaumes : « Lorsque le pécheur s'élevait contre moi, je me taisais et n'osais pas même alléguer des raisons pour ma défense. » J'étais comme un sourd qui n'entend point et comme un muet qui ne saurait ouvrir la bouche ; j'étais semblable à un homme qui n'entend rien, et qui ne saurait parler pour répondre aux injures qu'on lui dit. »

Elle répétait souvent, dans ses tentations, ces paroles du Deutéronome : « Le Seigneur notre Dieu vous tente pour éprouver si vous l'aimez de tout votre cœur et de toute votre âme; » et dans ses afflictions et ses peines elle disait plusieurs fois ce passage d'Isaïe : «Vous autres qui avez été sevrés, et tirés comme par force de la mamelle de vos nourrices, préparez-vous à recevoir affliction sur affliction, et prenez courage pour souffrir encore un peu les effets de la malice de ces langues médisantes; » sur quoi elle disait que ce passage de l'Ecriture lui donnait une grande consolation, parce qu'elle entend par ceux qui « sont sevrés» les personnes arrivées à un âge parfait, et les exhorte à souffrir coup sur coup tant de diverses tribulations, afin de se rendre dignes d'espérer toujours de plus en plus, sachant que « l'affliction produit la patience, la patience l'épreuve , l'épreuve l'espérance, et que l'espérance ne confond point; » à quoi elle ajoutait cet autre passage de l'Apôtre : « A mesure que notre homme extérieur se détruit , l'intérieur se renouvelle. Il faut que vos souffrances présentes, qui sont si légères et ne durent qu'un moment, produisent en vous un poids éternel de gloire, en tournant vos yeux, non pas vers les choses visibles, mais vers les invisibles ; car celles qui tombent sous nos sens sont passagères, au lieu que celles qui ne se peuvent apercevoir que par les yeux de l'esprit sont éternelles ; » et, encore que le temps semble long à l'impatience des hommes, nous ne demeurons guère sans éprouver le secours de Dieu , qui dit par la bouche d'Isaïe : « Je t'ai exaucé dans ton besoin; je t'ai secouru dans le temps nécessaire pour ton salut. » Elle ajoutait qu'il ne faut pas craindre la malice et la médisance des méchants , mais plutôt nous réjouir de ce que Dieu ne nous refuse point alors son assistance, et l'écouter quand il nous dit par son prophète : « Ne craignez ni les injures ni les outrages des hommes; car les vers les mangeront comme ils mangent leurs habits, et la vermine les dévorera comme elle dévore la laine. Vous vous sauverez par la patience. Les souffrances de cette vie n'ont point de proportion avec la gloire dont nous jouirons en l'autre. Encore que vous éprouviez afflictions sur afflictions, supportez-les sans vous plaindre pour témoigner votre patience en tout ce qui vous arrive; car c'est une grande prudence que de soutenir les traverses avec courage, et une très grande imprudence que de se montrer lâche à les souffrir. »

Elle disait dans ses langueurs et dans ses infirmités ordinaires : « Je ne suis jamais si forte que lorsque je suis faible. Nous portons un trésor dans des vaisseaux de terre jusqu'à ce que ce corps mortel soit revêtu d'immortalité, et que ce qu'il y a de corruptible en nous ne le soit plus. Comme les souffrances de Jésus-Christ surabondent en nous, ainsi nous jouissons par son assistance d'une consolation surabondante ; et comme nous participons à ses peines, nous participerons aussi à son bonheur.»

Quand elle était triste elle chantait ce verset du Psaume : « Pourquoi es-tu triste, mon âme , et pourquoi nie troubles-tu? Espère en Dieu ; c'est en lui que j'aurai toujours confiance, car il est mon Dieu, et je ne regarde que lui seul comme l'unique espérance de mon salut. »

Quand elle était dans quelque péril elle disait : « Que celui qui veut venir après moi renonce à soi-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra pour l'amour de moi la sauvera. »

Lorsqu'on lui rapportait le mauvais ordre et. la ruine de toutes ses affaires domestiques elle disait : « Quand un homme aurait gagné tout le monde, à quoi lui servirait cela s'il perdait son âme? et que pourrait-on lui donner en échange pour récompenser cette perte? Je suis sortie toute nue hors du ventre de ma mère, et j'entrerai toute nue dans le sépulcre. Il ne m'est rien arrivé que par la volonté de Dieu: son nom soit à jamais béni! Nie mettez point votre affection au monde ni aux choses qui sont du monde ; car il n'y a rien dans le monde que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, qui ne procèdent point du père que nous avons dans le ciel, mais du monde. Le monde passe, et toutes les passions qu'on a pour le monde passent avec lui. »

Quand on lui donnait avis que quelqu'un de ses enfants était extrêmement malade , comme je l'ai vu, et particulièrement son Toxotius qu'elle aimait avec une merveilleuse tendresse, elle faisait voir par sa vertu l'accomplissement de ces paroles du Psaume : « J'ai été troublé, et écu milieu de ce trouble je suis demeuré dans le silence. »Puis on entendait sortir de sa bouche ces paroles animées de zèle et de foi : « Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi ; » et alors , adressant sa prière à Dieu, elle lui disait : « Seigneur, soyez le protecteur et le maître des enfants de ceux qui sont morts au monde, et qui mortifient continuellement leur corps pour l'amour de vous. »

Entre ces envieux cachés qui sont les personnes du monde les plus dangereuses il y en eut un qui, sous prétexte d'affection , lui vint dire que son extraordinaire ferveur la faisait passer pour folle dans l'esprit de quelques-uns, qui disaient qu'il lui l'allait fortifier le cerveau; elle lui répondit : « Nous sommes exposés à la vue du monde, des anges et des hommes. Nous sommes devenus fous pour l'amour de Jésus-Christ ; mais la folie de ceux qui sont à Dieu surpasse toute la sagesse humaine.» Ce qui fait que notre Seigneur dit à son Père : « Vous connaissez ma folie. J'ai passé pour un prodige dans la créance de plusieurs; mais vous m'êtes un très puissant défenseur. Je me suis trouvé auprès de vous comme une bête ; mais je suis toujours avec vous. » C'est de lui qu'il est dit dans l'Évangile : « Ses proches le voulaient lier comme s'il eût été insensé, et ses ennemis déchiraient sa réputation, en disant « : Il est possédé du diable, et c'est un Samaritain; il chasse les diables au nom de Béelzébut, prince des diables. » Mais écoutons de quelle sorte l'Apôtre nous exhorte à mépriser les calomnies. « Notre gloire consiste dans le témoignage que nous rend notre propre conscience d'avoir vécu dans le monde saintement, sincèrement et avec la grâce de Dieu. » Écoutons notre Sauveur lui-même lorsqu'il dit à ses apôtres : « Le monde vous liait parce que vous n'êtes pas du monde ; car si vous étiez du monde le monde aimerait ce qui serait à lui. » Ecoutons-le aussi lorsqu'en adressant la parole à son Père il lui dit dans le psaume : « Vous connaissez le secret de nos pensées, et savez que dans toutes les afflictions que nous avons souffertes nous tic vous avons pas oublié, que nous avons observé vos commandements, que notre coeur ne s'est point détourné de vous. Nous sommes continuellement persécutés pour l'amour de vous et mis au rang des brebis destinées à la boucherie; mais, nous confiant comme nous le faisons en l'assistance du Seigneur, quoi que les hommes nous fassent, ils ne nous sauraient donner de crainte ; » car nous avons lu dans l'Écriture : « Mon fils, honore Dieu ; ne crains que lui seul , et il te soutiendra par son assistance. » Paula, se servant de tous ces passages de l'Écriture sainte comme d'autant d'armes divines, se préparait à combattre contre tous les vices, et particulièrement contre l'envie qui la persécutait de la sorte, et en souffrant les injures elle adoucissait l'aigreur des plus acharnés. Tout le monde remarqua jusqu'au jour de sa mort et son extrême patience, et combien ses ennemis étaient animés contre elle de cette cruelle passion de l'envie qui ronge le cœur des personnes qui en sont possédées et qui, en s'efforçant de nuire à ceux qu'elle hait, tourne sa fureur contre elle-même.

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