CHAPITRE III. Amour de sainte Marcella pour l'Ecriture sainte. Son excellente conduite. hale fut la première dans Rome qui embrassa une vie retirée et solitaire.
Son amour pour l'Écriture sainte était incroyable, et elle chantait toujours : «J'ai caché et consacré vos paroles dans mon cœur,afin de ne vous point offenser; » et cet autre verset où David, parlant de l'homme parfait, dit : « Il n'a point d'autre volonté que la loi de son Seigneur, laquelle il médite jour et nuit, » entendant par cette méditation de la loi, non pas de répéter souvent les paroles de l'Ecriture ainsi que faisaient les pharisiens, mais de les pratiquer selon ce que l'Apôtre nous l'enseigne lorsqu'il dit: « Soit que vous buviez, que vous mangiez ou que vous vous occupiez à quelque autre chose, faites toutes ces actions pour la gloire de Dieu; , à quoi se rapportent ces paroles du Prophète royal : « L'exécution de vos commandements m'a donné intelligence, pour témoigner par là qu'il ne pouvait mériter d'entendre l’Ecriture sainte qu'après qu'il aurait accompli les commandements de Dieu. Nous lisons aussi la même chose dans les Actes, où il est porté que Jésus « commença à agir et à enseigner ; » car il n'y a point de doctrine, si relevée qu'elle soit, qui nous puisse empêcher de rougir de honte lorsque notre propre conscience nous reproche que nos actions ne sont pas conformes à nos connaissances; et en vain. celui qui est enflé d'orgueil à cause qu'il est aussi riche qu'un Crésus, et qui par avarice étant couvert d'un méchant manteau, ne travaille qu'à empêcher que les vers ne mangent les riches habillements dont ses coffres sont remplis, prêche aux autres la pauvreté et les exhorte à faire l'aumône.
Les jeûnes de Marcella étaient modérés. Elle ne mangeait point de chair, et, la faiblesse de son estomac et ses fréquentes infirmités l'obligeant de prendre un peu de vin, elle se contentait le plus souvent de le sentir au lieu de le goûter. Elle sortait peu en public et évitait particulièrement d'aller chez les dames de condition, de peur d'y voir ce qu'elle avait méprisé. Elle allait en secret faire ses prières dans les églises des apôtres et des martyrs, et évitait de s'y trouver aux heures qu'il y avait grande multitude de peuple. Elle était si obéissante à sa mère que cela la faisait agir quelquefois contre ce qu'elle aurait désiré; car Albina. aimant extrêmement ses proches et se voyant sans fils et sans petit-fils, voulait tout donner à ses neveux, et Marcella au contraire eût beaucoup mieux aimé le donner aux pauvres; mais, ne pouvant se résoudre à la contredire, elle donna ses pierreries et tous ses meubles à ses parents, qui, étant fort riches, n'en avaient point besoin; ce qui était comme les dissiper et les perdre, aimant mieux faire cette perte que de déplaire à sa mère.
Il n'y avait point alors à Rome de femme de condition qui sût quelle était la vie des solitaires, ni qui en osât prendre le nom, à cause que cela était si nouveau qu'il passait pour vil et pour méprisable dans l'esprit des peuples. Marcella apprit premièrement par des prêtres d'Alexandrie, et puis par l'évêque Athanase, et enfin par Pierre (qui, fuyant la persécution des hérétiques ariens, étaient venus se réfugier à Rome comme à un port assuré de la foi catholique) la vie du bienheureux Antoine, qui n'était lias encore mort, la manière de vivre des monastères de saint Pacôme en la Thébaïde, et dos vierges et des veuves. Alors elle n'eut point de liante de faire profession de ce qu'elle connut être agréable à Jésus-Christ, et plusieurs années après elle fut imitée par Sophronia et par d'autres. L'admirable Paula eut le bonheur de jouir de son amitié, et Eustochia, la gloire des vierges, fut nourrie en sa chambre, d'où il est aisé de juger quelle devait être la maîtresse qui eut de telles disciples.