12.
Il avance encore dans son quatrième livre, qui est le dernier de cet ouvrage, ces erreurs que l’Eglise de Jésus-Christ condamne : « Comme ceux, dit-il, qui meurent en ce monde par la séparation de l'âme et du corps, occupent en enfer des lieux différents, selon le mérite et la nature de leurs oeuvres ; de même ceux qui, pour ainsi parler, meurent dans les fonctions de la Jérusalem céleste, descendent dans l'enfer de notre inonde, afin d'occuper sur la terre des lieux différents et proportionnés à leurs mérites. » Il continue : « Puisque nous avons comparé les âmes qui vont de ce monde aux enfers avec celles qui descendent du ciel en terre et qui sont morses en quelque façon, il faut examiner soigneusement si nous ne pourrions pas dire la même chose de la naissance des unes et des autres; car les âmes qui naissent ici-bas et y prennent un corps humain, viennent des enfers parce qu'elles se sont tournées vers le bien, ou descendent d'en haut, où elles menaient une vie plus heureuse; de même parmi toutes les âmes qui habitent le firmament , les unes s'y sont élevées d'ici-bas par l'amour de la vertu, et les autres y sont descendues du ciel, n'étant pas assez criminelles pour être précipitées dans les lieux que nous habitons : « Par là, il veut insinuer que le firmament, c'est-à-dire le ciel, est un enfer par rapport à un ciel plus élevé ; et que notre terre est un enfer par rapport au firmament, et un ciel par rapport aux enfers qui sont au-dessous de nous ; de manière que ce qui est enfer à l'égard des uns, est ciel à l'égard des autres.
Il n'en demeure pas là ; il dit encore qu'à la consommation des siècles, et lorsque nous retournerons à la Jérusalem céleste, les puissances ennemies déclareront la guerre au peuple de Dieu, afin qu'il exerce dans les combats son courage et sa vertu, dont il ne peut donner des marques qu'en résistant fortement à des ennemis qui ont été vaincus, comme nous le lisons dans le livre des Nombres, par une sage conduite, par la belle disposition des troupes, et par une expérience consommée dans l'art de la guerre. Après avoir dit que cet Evangile éternel, qui doit subsister éternellement dans le ciel, dont saint Jean parle dans son Apocalypse, surpasse autant notre Evangile, que la prédication de Jésus-Christ est au-dessus des sacrements de l'ancienne loi, il ajoute (ce qu'on ne peut même penser sans sacrilège) que Jésus-Christ doit souffrir la mort au milieu des airs pour le salut des démons, quoiqu'il ne s'en explique pas formellement ; que comme Dieu s'est fait homme pour sauver les hommes, il se fera aussi démon pour sauver les démons. Mais de peur qu'on ne s'imagine que je dénature le texte, je veux rapporter ici ses propres paroles: « Comme Jésus-Christ, dit-il, a perfectionné les ombres de la loi par les ombres de l'Évangile, et que toute la loi n'est que l'ombre et la figure des cérémonies qui s'observent dans le ciel, il faut voir attentivement si l'on peut dire qu'il manque quelque chose à la loi, au culte et aux cérémonies du ciel, et si elles ont besoin d'être perfectionnées par la publication de cet Évangile que saint Jean dans son Apocalypse appelle «éternel, » par rapport au nôtre qui est temporel, et qui a été annoncé dans un monde et dans un siècle périssable et passager. Quoiqu'il y ait de la présomption et de la témérité à savoir si notre Sauveur souffrira dans l'air, je crois néanmoins que nous pourrions pousser jusque-là notre curiosité et nos recherches. Car puisque les esprits de malice sont répandus dans l'air, et que nous n'avons point de honte de confesser que le Seigneur a été attaché à la croix pour détruire ce qu'il a détruit par sa passion, pourquoi craindrions-nous de dire qu'à la fin des siècles il souffrira peut-être en l'air quelque chose de semblable, avant de sauver par sa passion toutes les nations qui habitent dans tous les lieux du monde? »