Chapitre LXXIV
Quelques-uns de ceux qui passent pour sages parmi les grecs étaient encore venus le trouver pour lui demander les raisons de la foi que nous avons en Jésus-Christ ; ils avaient l’intention de se moquer de lui en disputant avec subtilité sur le sujet des louanges que nous donnons à la divine croix de notre Sauveur. Antoine, après avoir pensé un peu en lui-même, touché de compassion pour leur ignorance, leur dit par un interprète qui expliquait très bien ses pensées : qu’est ce qui est le plus raisonnable, de révérer une croix, ou de reconnaître que ceux à qui vous donnez le nom de dieux ont commis des adultères et d’autres crimes abominables ? Car cette croix que nous honorons est une marque de générosité et de courage, puisque c’est une preuve indubitable du mépris de la mort : tandis que ce que vous attribuez à vos dieux, sont des marques d’une malheureux débordement, en toutes sortes de vices. Qu’est-ce qui est le plus raisonnable ? de dire que le Verbe de Dieu, qui n’est point sujet au changement mais est toujours le même, a pris un corps humain pour le salut et pour l’honneur des hommes, afin que, par la communication de la nature divine avec la nature humaine, il rende les hommes participants de la nature divine ? ou bien de vouloir qu’une divinité soit semblable à des animaux, et d’adorer pour cette raison des bêtes brutes, des serpents, et des figures d’hommes ? Car ce sont là les actes de religion de ceux qui passent pour sages parmi vous ? Et comment avez-vous la hardiesse de vous moquer de nous, parce que nous disons que Jésus-Christ a paru sur la terre comme un homme, vous qui voulez que les âmes soient tirées de la substance de Dieu, comme des parties de la sagesse divine, qu’elles soient tombées dans le péché, et qu’ensuite, elles soient descendues du plus haut du ciel dans les corps ? encore serait-il à souhaiter que vous croyez qu’elles viennent uniquement dans des corps humaines et qu’elles ne passent pas dans ceux des bêtes brutes et des serpents. Car notre foi nous apprend que Jésus-Christ est venu pour le salut des hommes ; et vous, par une grande erreur, vous dites que l’âme est incréée. Ainsi nous attribuons à la Providence ce qui est convenable à son pouvoir et à son amour pour les hommes, sachant qu’il n’y a rien en cela d’impossible à Dieu. Mais vous, au contraire, vous faites, dans vos fables, l’âme semblable à la sagesse divine et de la même nature qu’elle, vous la pensez capable de déchoir et vous l’estimez sujette au changement. Vous rendez par l’âme la sagesse divine sujette au changement, puisque ce qui convient à une chose qui est l’image d’une autre par communication de nature, doit aussi convenir à celle dont elle est l’image. Si vous avez ces sentiments de la sagesse divine, considérez quels sont vos blasphèmes contre le Père, l’auteur et le principe de la sagesse.