CHAPITRE XXIX : L'HÉRÉSIE DE TATIEN
[1] Un peu plus haut, nous avons cité ses paroles sur l'admirable Justin, et nous avons raconté qu'il était le disciple de ce martyr. Irénée l'apprend en son premier livre de son ouvrage sur les hérésies ; voici ce qu'il écrit à la fois de Tatien et de son erreur :
« [2] De Saturninus et de Marcion viennent ceux qu'on appelle Encratites. Ils prêchent qu'on ne doit pas se marier, ils mettent de côté l'ordre antique établi par Dieu et blâment tranquillement celui qui a fait l'homme et la femme pour la propagation du genre humain. Ils introduisent l'abstinence des aliments qu'ils disent avoir eu vie, et, par là, montrent leur ingratitude envers Dieu, 483 l'auteur de l'univers. Ils nient aussi le salut du premier homme. [3] On trouve maintenant que cela leur vient d'un certain Tatien, qui le premier inventa ce blasphème. Il avait été disciple de Justin. Tant qu'il vécut avec lui, rien de cela ne parut. Mais après son martyre, Tatien se sépara de l'Église; il s'éleva dans la pensée qu'il était un maître, s'aveugla au point de se croire supérieur aux autres et donna son caractère personnel à son école. Il imagina des éons invisibles, comme ceux qu'on trouve dans les fables de Valentin ; comme Marcion et Saturnin, il appela le mariage une corruption et une débauche; de lui-même, il soutint qu'Adam n'est pas sauvé. »
[4] Voilà ce que dit alors Irénée. Peu après, un certain Sévère fortifia la susdite hérésie et c'est de lui que les membres de cette secte tirent l'appellation de Sévériens. [5] Ils se servent de la loi, des prophètes et des évangiles; mais ils interprètent à leur façon les pensées des saintes Écritures. Ils traitent l'apôtre Paul d'une manière irrévérencieuse et rejettent ses épîtres : ils ne reçoivent pas non plus les Actes des Apôtres. [6] Leur premier chef, Tatien, fit une compilation et un mélange des évangiles arrangea je ne sais comment, et qu'il appela Diatessaron ; on trouve encore aujourd'hui cet ouvrage entre les mains de quelques-uns. On dit aussi qu'il eut l'audace de changer certaines paroles de l'apôtre pour redresser l'arrangement de la phrase.
[7] II a laissé un très grand nombre d'écrits parmi 485 lesquels beaucoup mentionnent surtout son fameux Discours aux Grecs, dans lequel il parle des temps antiques et où il montra que Moïse et les prophètes des Hébreux ont existé avant tous les Grecs célèbres. Il semble que c'est le plus beau et le plus utile de tous ses écrits. Voilà ce qui concerne ces auteurs (voy. l'Appendice).1
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Voy. Α. PUECH, Recherches sur le Discours aux Grecs de Tatien, suivies d'une traduction du Discours, Paris, 1903. ↩