CHAPITRE XVI : L'HEUREUX CHANGEMENT DES AFFAIRES
[1] Cela se prolongea ainsi pendant toute la persécution ; au bout de dix ans, celle-ci, grâce à Dieu, prit fin complètement ; après la huitième année du reste, elle avait commencé à se ralentir. En effet, lorsque la grâce divine et céleste montra qu'elle veillait sur nous avec une bienveillance miséricordieuse, alors les empereurs de notre temps, ceux-là mêmes qui depuis longtemps conduisaient la guerre contre nous, changèrent de sentiments d'une façon très surprenante et se rétractèrent en d'excellents éclits rendus à notre sujet et. par des ordonnances très pacifiques, ils éteignirent l'incendie de la persécution qui s'était si grandement propagé.1 [2] Il n'y eut à cela aucune cause humaine, et ce ne fut ni la pitié des princes, comme on pourrait le dire, ni leur humanité, il s'en faut beaucoup; car chaque jour depuis le commencement jusqu'à cet instant, des peines plus nombreuses et plus dures étaient imaginées par eux contre nous.2 Mais la vigilance de la Providence divine elle- 495 même fut manifeste; elle se réconcilia d'abord avec le peuple, puis elle se mit à poursuivre l'auteur de ces maux. Un châtiment envoyé par Dieu l'atteignit, commença son œuvre par la chair, et pénétra jusqu'à l'âme. [4] Soudainement un abcès lui vint au périnée, ensuite un ulcère fistuleux au fondement ; le ravage inguérissable de l'un et de l'autre s'étendait aux entrailles les plus intérieures ; dans celles-ci fourmillaient une multitude innombrable de vers et il en sortait une odeur mortelle. Toute la masse de ses chairs, produit d'une alimentation abondante avant la maladie, pendait en un excès plantureux de graisse, qui se mit alors à pourrir et à présenter un aspect intolérable et horrible à ceux qui approchaient. [5] Parmi les médecins, les uns étaient tout à fait hors d'état de supporter ce qu'il y avait d'étrange et d'excessif dans cette odeur fétide : ils furent égorgés ; les autres, impuissants à secourir toute cette chair enflée et arrivée à un pointoù il n'y avait aucun espoir de salut, furent mis à niort sans pitié.
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L'édit de tolérance, affiché à Nicomédie, le 30 avril 311. était rendu au nom de Galère, Constantin et Licinius. La dixième année est 312-313; la huitième, 310-311. ↩
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ἐπεξιούσης : ἐπεξιούσης καὶ πρωστάτῃ τῆς τοῦ παντὸς διωγμοῦ κακίας ἐπιχολουμένης. Καὶ γὰρ εἴ τι ταῦτ' ἐχρῆν κατὰ θείαν γενέσθαι κρίσιν, ἀλλά «οὐαί», φησὶν ὁ λόγος (Luc, xvii, 1), « δι' οὗ δ' ἂν σκάνδαλον ἔχρηται » AERT, addition provenant de la première édition (ἔρχεται). — L'empereur malade est Galère, qui mourut le 5 mai 311 ↩