39.
Vous m'objecterez peut-être ces paroles de saint Paul : Je dis aux personnes qui ne sont pas mariées, ou qui sont veuves, qu'il leur est bon de demeurer dans cet état, comme moi. Que, si elles ne peuvent garder la continence, qu'elles se marient. Quant à la femme, si son mari meurt, elle est libre; qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit selon le Seigneur. (I Cor. VII, 8, 9, 39.) Pourquoi donc blâmer, me direz-vous, la veuve qui use de cette permission, et pourquoi condamner comme criminel un mariage qui se contracte selon le Seigneur? ne vous y trompez point; il y a ici une double question. Quand l'Apôtre dit qu'une vierge peut se marier sans péché, il parle non de celle qui a fait voeu de virginité, et qui ne peut violer ce voeu sans commettre un sacrilège, mais de celle qui n'a pas encore fixé son choix, et qui balance entre le mariage et la continence. Et de même, il permet les secondes noces à'Ia veuve qui ne s'est point décidée pour un veuvage perpétuel, mais il les défend expressément à celle qui s'y est engagée. Observons, en effet, que dans l'Eglise le rang et la dignité de veuve sont attachés au voeu de continence. C'est pourquoi l'Apôtre écrit à son disciple Timothée : Que la veuve choisie n'ait pas moins de soixante ans, et qu'elle n'ait eu qu'un mari. (I Tim. V, 9.)
Toute veuve peut donc se marier, si elle le désire, mais saint Paul blâme sévèrement celle qui convole à de secondes noces après s'être engagée à vivre dans la continence, et qui foule ainsi aux pieds son alliance avec le Seigneur. Vous entendez maintenant à qui s'adresse cette parole : Si les veuves ne peuvent garder la continence, qu'elles se marient, car il vaut mieux se marier que de brûler. (I Cor. VII, 9.) Remarquez en outre que jamais l'Apôtre ne recommande le mariage pour lui-même, mais toujours comme moyen d'éviter le vice, la tentation et le péché. Mais parce qu'il s'en était précédemment expliqué avec un peu de sévérité, il emploie ici une expression toute bienveillante. Il veut, dit-il, empêcher qu'elles se consument en désirs brûlants. Observons néanmoins que ce langage est encore empreint d'une certaine sévérité, car il ne dit point : qu'elles se marient si la passion les presse trop fortement, et si elles ne peuvent résister à la tentation, cela supposerait une faute digne de pardon, mais : si elles ne peuvent garder la continence. Or, n'est-ce pas leur reprocher de perdre par lâcheté et inertie les mérites d'une vertu qu'il leur serait facile de pratiquer? cependant il ne les condamne point, et ne les menace d'aucun châtiment : il se borne à les priver de ses éloges. Du reste, ses paroles sont sévères; elles ne mentionnent pas le motif ordinaire du mariage qui est de se voir revivre en ses enfants, et laissent apercevoir que l'Apôtre ne le permet que comme un moyen d'éviter le vice, la tentation et le péché.